DEVINN ► But I'm still alone in my mind.

Les paupières qui bougent. Les rayons solaires irradiaient l. L’esprit perdu dans un entre deux, la silhouette masculine finissait par s’éveiller d’une courte sieste. Évoluant dans une délicieuse lenteur, le temps semblait être plus doux. Quinn. Prénom qui caresse son être. Contact presque irréel. Ses pensées tournées vers elle, il dégageait son corps engourdi du lit. Évoluant parmi les murs du squat, l’ombre indistincte se dirigeait vers la cuisine. Aspergée de lumière, la pièce était un appel à la quiétude. De ses mains endurcie par l’usine, il actionnait le robinet. Un filament d’eau à la couleur translucide, s’écoulait dans son gobelet en plastique. Comme pour savourer cet instant solennel, il fermait les yeux pour profiter du moment. Pièce envahie par le silence. Rare moment de liberté. BOOM. Bruit sourd qui fait s’entrechoquer les faibles fondations du bâtiment. Alerte, Devon abandonnait cette solitude pour découvrir l’origine du son. Guidé par l’écho. Pas souple sur le sol, il pariait sur la salle commune, alors qu’un son doux s’en échappait. Silhouette lumineuse avachie sur le sol abandonnée. Avant même de comprendre, Devon s’élançait près d’elle. Envahissant l’endroit, sa voix prenait le dessus sur la musique. « Qu’est-ce qu’tu fous ! » Prunelles dilatées à cause de l’inquiétude. Glissant avec délicatesse ses bras sous son corps, il soulevait la jeune femme du sol pour la déposer sur le canapé. Puis, il s’agenouillait près d’elle. Une main encerclant la sienne dans une tendresse dont il était inconscient. « Ça va ? »

30/06 - Revenue de Vegas depuis peu. Foutu mariage, je devais faire les démarches avec Atticus bientôt pour prononcer l'annulation. Une connerie qui nous avait bien faits rire, mais aujourd'hui, pas vraiment... décuver fait soudainement voir les côtés moins glorieux d'une idée de génie. Dans ce qui nous servait de séjour, j'avais posé ce vieux poste de musique pour l'allumer et mettre la playlist du cabaret. Travailler les shows dans l'espoir de pouvoir retourner sur scène bientôt. Ça me manquait, atrocement. Alors je forçais. Une heure, puis deux sans quitter cette musique, à insister sur mes jambes fatiguées et peu enclines à m'écouter. Je me hissai sur la pointe, jusqu'à sentir mes muscles refuser ; se relâcher, et je m'écroulai par terre en me rattrapant avec les mains. Je pestais, serrant les dents et sentant mes yeux s'embuer de rage. 6 semaines que j'étais sortie du coma et mon impatience à retrouver mes capacités commençait à se faire clairement ressentir. Je relevai vivement les yeux vers toi en déglutissant péniblement, ravalant ma fierté d'être vue dans cet état. Pire. Je plantais mes pupilles dans les tiennes et sentais la culpabilité se frayer un chemin à l'idée que tu n'étais pas au courant. Bercée par ta douceur et me laissant asseoir sur ce canapé miteux, je secouais doucement la tête. Non... Non, ça va pas Dev, y a rien qui va. Je resserrais ma main dans la tienne et me laissai doucement glisser contre toi jusqu'à reposer ma tête contre ton épaule. Plus que le physique, c'était le mental qui souffrait le plus. Si j'récupère jamais totalement ? J'vais faire quoi ?

Larme de verre sur son visage porcelaine. Affirmant son désarroi, elle se laissait aller contre son épaule. Mains entrelacées. Le genre de contact auquel il n’aurait jamais pensé. Pourtant, depuis le retour de Quinn, les choses avaient pris une autre tournure. Effrayante. Contre lui, ses lèvres se déliait pour faire part de ses inquiétudes. Celle de ne jamais retrouver ses capacités. « Y a toujours moyen de rebondir. » Il aurait pu partir dans son sens. Lui dire que tout irait bien, mais pourquoi lui donner de l’espoir, alors que le résultat pouvait être négatif ? Emplissant de ses notes la pièce, la musique continuait de tourner. Conférant ainsi, une atmosphère propice à la confidence. De sa main libre, il attrapait son menton pour la forcer à se redresser. Plongeant ses iris dans les siennes, il laissait le sérieux prendre possession de son visage. « J’veux pas t’faire de faux espoir, mais plus tu penseras que tu y arriveras pas et plus t’iras dans cette direction. »

Toujours un moyen de rebondir. Je pourrais toujours apprendre à danser sans mes jambes, mais il fallait avant toute chose commencer par potentiellement accepter l'idée que les choses ne seraient plus jamais pareilles. Une idée que je fuyais comme la peste et qui avait fait voler en éclats bon nombre de mes relations. Parce qu'après tout, je devais subir ma sclérose-en-plaques, mais personne ne méritait de la subir avec moi. Je relevai la tête quand tu saisissais mon menton entre ton pouce et ton index, plantant mes pupilles dans les tiennes sans relâcher ton autre main ; cherchant du réconfort, un soutien. J'traîne mes problèmes toute seule depuis tellement longtemps que j'vais exploser. Je sais qu't'as raison. J'vais pas m'laisser abattre, c'est juste... La voix étranglée par ma gorge nouée, j'essayais de remettre un peu d'ordre dans mes émotions. J'suis fatiguée, ça fait tellement longtemps... Je soupirai longuement et fermant les yeux, je posai doucement mon front contre le tiens. Un contact si simple et qui pourtant m'aidait à me recentrer un peu ; juste quelques secondes...

Non, elle ne se laisserait pas abattre. La volonté qui habitait la jeune femme était marquante. Bien avant Skulls&Bones, elle s’était montrée forte et courageuse. Alors pourquoi cela changerait ? Puis, pour une miraculée, elle avait été chanceuse. D’autres n’avaient pas eu cette chance. Aussi, ils subissaient des séquelles beaucoup plus importantes. Fuyant son regard, la jeune femme lui dévoilait ses failles. S’exposant ainsi, à son regard. « Longtemps de ? » Sa voix n’était qu’un murmure. Front contre front. Il s’imprégnait de son odeur, mais aussi de sa chaleur. D’elle. Par peur de briser cette confiance naissante, il lui laissait le temps de s’exprimer. Et comme pour l’encourager, il glissait une main jusqu’à sa joue. Du pouce, il effaçait les traces laissées par ses larmes.

Ta douceur détonnait tellement par rapport à cette sauvagerie dont on avait l'habitude de faire preuve. Mais notre relation évoluait très clairement. Toujours aussi contrastée mais avec des moments de plus en plus doux pour compenser cette violente possessivité qui nous brusquait. Je rouvrais les yeux à ta question, me perdant dans ton regard en réalisant ce qui m'avait échappé. Je sentais mon coeur battre un peu plus fort et le dilemme interne faisait rage entre l'envie d'arrêter de mentir et celle de fuir encore, toujours. Le regard fuyant, je refermai les yeux, incapable d'assumer davantage ton regard sur moi quand bien même tu n'insistais pas, ttendant patiemment de voir si j'allais me confier. Est-ce que je pouvais te faire confiance ? Est-ce que la question que j'avais eue sur Truth parlait de ça ? Combien de personnes savaient et est-ce que tu risquais de l'apprendre autrement ? C'est pas un hasard que ce soient mes jambes qui s'en remettent pas. Un simple murmure alors que je me faisais violence. Malgré moi, je me redressais pour rompre tout contact avec toi, retirant ma main et déviant mon regard vers la porte, le coeur lourd. Putain, j'assume pas en fait. Pas du tout.

Douceur éphémère. Brisant la bulle qui avait pris naissance autours de leur silhouette, la blonde s’éloignait de lui. Mollement, sa main retombait le long de son corps, alors qu’elle détournait ses iris. A l’instant même où elle avait prononcé ses mots, il avait su. Un mensonge. Mais qui ne mentait pas autour de lui ? Même lui, gardait caché, ses propres secrets. « Qu’est-ce que tu m’dis pas ? » Qu’est-ce que tu m’caches Quinn ? Loin d’être envahissant, il lui laissait du temps. Le temps de se tourner à nouveau vers lui. Allait-elle lui faire face ou allait-elle fuir ? Que choisirait-elle ? Impossible de le savoir. Imprévisible, elle l’était. Tout autant que lui. Retenant son souffle, il patientait. Ombre immobile. Il pouvait presque touché du doigt ce qu’elle contenait entre ses lèvres. Un peu plus et il en saurait davantage sur elle. Énigme humaine. Celle qu’il n’arrivait pas à résoudre.

C'était difficile. Est-ce que ça allait sortir ? J'étais partagée et l'idée même de prononcer ces foutus mots, ça m'arrachait la gorge. Tu me demandais ce que je te cachais et je te jetai un coup d'oeil, sentant ma poitrine se compresser. Dira, dira pas ? J'avais juste envie de prendre mes jambes à mon cou, mais ironiquement, j'étais assise sur ce canapé parce qu'elles ne me portaient plus alors je n'irais pas bien loin. J'suis malade. Les mots m'avaient échappé, comme pour ne plus me laisser le choix et me forcer à assumer. Une façade seulement, parce que je n'allais pas plus loin, me murant en silence en sentant les sanglots menacer d'éclater. Gorge serrée et yeux embués, j'essayais de garder contenance mais c'était peine perdue. Est-ce que je me sentais mieux de te l'avoir dit ? Non, pas vraiment. C'était foutrement difficile de l'entendre, à chaque fois que je le disais, ça me semblait un peu plus réel.

J’suis malade. Comme engloutit par un brouillard épais, les mots lui semblait être lointains. Silencieuse Elle s’enfermait dans un nouveau silence. Pesant, il englobait les deux êtres assis côte à côte. Sous le choc, Devon ne disait mot. Son allure froide pouvait lui faire défaut. Lui qui en réalité, commençait à ressentir ce drôle de sentiment : l’inquiétude. « Malade ? » La mâchoire serrée, ses prunelles fixaient droit devant lui. N’étant pas du genre à dire à voix haute ce qu’il pensait, il se contentait de ne plus rien dire. Qu’est-ce qu’elle avait ? La maladie et lui, c’était un sujet délicat. Celle-ci avait emmené sa mère. De ce fait, la simple phrase de Quinn, l’avait renvoyé à une époque antérieure. Alors, comment être compatissant ? Comment être présent, alors qu’il fuyait ce genre de chose par soucis de gestion ? La jeune femme avait fait naître de nouvelles émotions. Plus les jours avançaient et plus il s’accrochait à elle. Le souffle coupé, il tournait finalement son visage vers elle. Recroquevillée, ses grands yeux azurs fendaient l’obscurité de son visage. Yeux habillés d’eau.

Les mots qui s'échappaient d'entre mes lèvres comme un murmure et te voilà figé par la nouvelle. Je n'avais aucun détail mais on comprenait aisément que ce n'était pas rien au vu du mal que ça me faisait, de mes yeux embués, de l'énergie que j'avais pu mettre à le cacher. Non, ma vie n'était pas en danger ; mais elle était malgré tout condamnée à me rendre dépendante de mon entourage. J'le vivais mal, et je sentais les nausées me tordre l'estomac quand tu répétais ce mot-clé. J'avais balancé cette info mais le courage avait foutu le camp au passage et je ne me sentais pas de dire la suite, même si j'étais déjà à mi-chemin. Excuse-moi. Je retirai d'un revers de main quelques larmes perlant aux coins de mes yeux, finis par secouer la tête de gauche à droite, résignée. Abandonnant l'idée de t'expliquer parce que je n'avais pas la force d'affronter l'inquiétude naissant dans ton regard alors que tu me scrutais. Je pense que tu devrais y aller. Le regard planté dans le tiens, j'osais ; je te congédiais, t'intimant de me laisser sans te donner plus d'explications. C'est trop tôt. Bien trop tôt pour que tu supportes un tel poids me concernant, même si finalement, ce n'était qu'une preuve de plus que ça ne pourrait pas fonctionner. C'était plus facile d'admettre que tu ne voulais juste pas t'engager, alors que c'était bien plus compliqué que ça.