amour artistique (marthias)

AMOUR ARTISTIQUE

MARTHIAS 9

Il préparait ça depuis des semaines : à vrai dire, dès qu’il a eu ce travail de gardien de nuit dans le musée, il avait eu cette idée. Mais la logistique et le temps ont été les deux choses qui ont retardé ce moment-là. Il était prêt. Prêt à l’embarquer dans un monde où personne n’avait encore eu l’idée de l’emmener : quelque part où ils n’existeraient plus. Où ils seraient ensemble, pour toujours. Mathias, il angoissait un peu : comme au nouvel an, quand il a fallu tout préparer pour lui faire passer un bon début d’année. Il espérait la surprise encore plus grande pour cette nuit.

Privatiser un musée d'Art pour une passionnée d’Art ? Il ne voyait pas plus beau cadeau à offrir à la brune, pour la remercier d’être là, avec lui : de rendre son existence plus facile, sa vie plus belle, son âme plus pure. Pour l’occasion, il avait laissé quelques lumières. Parsemé quelques bougies sur le chemin des tableaux. Il avait accroché quelques vers sur les statues : véritable chasse à l’amour, il avait semé un peu de son amour dans tout le musée. Un voyage qu’elle n’était pas prête d’oublier. Au bout de la visite, elle trouverait un coin bien à eux devant la plus belle des toiles que le musée avait acquis. La préférée de Marla. Et quelques pétales. Une bouteille de vin. A manger. Et cette boite, de la taille d’une boite à chaussure. Dont le contenu lui sera révélé dans la soirée.

Maintenant, il l’attendait. Devant le musée. Lui ayant dit qu’il voulait qu’elle vienne le chercher. Sans lui avoir préciser qu’ils y resteraient pour la nuit.

(c) TORTIPOUSS.

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Ses phalanges colorées glissaient sur l’écran de son téléphone, afin de vérifier l’heure et de ne pas arriver en retard au musée. Elle n’avait pas pour habitude d’aller le chercher, mais cela lui faisait réellement plaisir. Avec un petit peu de charme, elle pourrait, peut-être, gratter quelques minutes à l’intérieur du musée. Quand bien même, sa petite carrure s’était aventurée dans les nombreux musées de la ville, celui-ci manquait à son palmarès. Alors, Marla, elle réfléchissait au regard parfait, à la gestuelle à adopter pour s’y infiltrer, sans qu’il ne prenne le risque d’être viré, pour son intrusion indésirable. Enfilant une tenue de mi-saison, Marla, elle regardait le panier vide de Yogi, celui-ci ayant été confié pour la journée à Ula. En ce moment, la cadence des cours s’accélérait et elle peinait à trouver du temps libre, lorsque son nez n’était pas fourré dans des bouquins et des œuvres à analyser. Les rares instants pour souffler étaient consacrés à sa famille : Mathias et Yogi, à s’enlacer, rire, se câliner, devant le cerisier en fleur de l’entrée. Remontant ses hautes chaussettes noires jusqu’à la moitié de ses cuisses, elle nouait ses docs marteens, en jetant un regard nostalgique à ses converses bousillées, défoncées, qu’elle avait accroché comme décoration au mur d’entrée. Elle fermait la porte et prenait donc le chemin, sur un vélo laissé en libre-service. Cette vingtaine de minutes, à laisser la brise caresser sa peau, le soleil cogner son épiderme, la transcendait : qu’est-ce qu’elle aimait, lorsque les températures devenaient plus douces. Le coin, elle le connaissait par cœur, la gamine, lié à son passé ou même à sa scolarité reprise, en Septembre dernier. Il ne lui fallait pas plus de temps pour laisser le vélo à la station libre-service et ranger son téléphone dans son sac en tissu. La cadence s’accélérait, pour rejoindre Marthias, droit comme un piquet, devant le musée. « Bonjour monsieur le gardien… » Qu’elle glissait, d’une risette étincelante, en s’arrêtant à un pas de lui. L’air insouciant, les mains croisées dans le dos. « J’ai le droit à une visite, monsieur ? » Elle tentait de l'amadouer, de ses paupières papillonnantes et de son sourire candide.

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Elle ne tardait pas à débarquer, la brune : toujours dans des vêtements chinés à bas prix, par peur de manquer un jour d’argent. Il avait beau lui répéter, constamment, elle oubliait qu’ils étaient à l’aise financièrement, depuis le départ de la reine mère : joli capital légué, par peur qu’il manque de quelque chose, Mathias s’était trouvé con le jour où son compte s’est vu crédité d’un montant à quelques 6 chiffres. Quasiment 7. Mais il n’avait pas réellement dit à Marla le montant : se contentant d’un « nous sommes à l’abri maintenant », le soir de l’emménagement. La voir vêtue comme ça, ça le rendait tout joyeux : parce qu’il adorait les couleurs automnales sur la brune. Trouvant que ça la rendait plus lumineuse. Elle s’approche : il voit dans son regard qu’elle veut rentrer. Et si elle savait ? Peut-être qu’elle ne minauderait pas. Il inspire, attrape son bras pour poser ses lèvres sur les siennes, un sourire aux lèvres. « Bonjour belle demoiselle. » Et tout en l’embrassant, il la tire à l’intérieur après s’être assuré qu’il n’y avait personne autour. Il verrouille la porte derrière eux. Et finalement, il se retourne vers Marla. « Suis-moi. » Murmuré. Intime.

Ils suivaient un chemin de bougie, avec quelques incandescences de ci, de là. Pour arriver devant la salle des tableaux. Alors, il se plante devant elle, un balais dans les fesses et au garde à vous. « Bonsoir Madame Katz. Ce soir, je serais votre guide dans notre magnifique Musée d’Art, privatisé pour l’artiste que vous êtes. Et dont nous sommes tous fans. » Une révérence, un clin d’œil et il ouvre les portes de la salle des tableaux. Il attrape sa main, avance dans un échos joyeux de deux âmes apaisées : face au premier tableau. « Nous avons ici une représentation de la grande statue de Bouddha, par John LaFarge. Cet artiste, désireux de rendre la grandeur de cette statue dans une œuvre, a peint au nom de son amour pour Bouddha, cette merveilleuse représentation de la paix intérieure. » Un regard sur Marla. Et il désigne derrière, une statue avec le premier mot de la visite. « Prends-le. »

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À l’arrière, le ciel se voilait de teintes chaudes, attestant du couché de l’astre, pour laisser place à son amant lunaire. Les traits de Marla n’en étaient que plus sublimés, par ce spectacle subjuguant de la nature. Ses mains dans son dos, elle essayait de voler quelques minutes, à l’intérieur du musée. Ces bâtisses, dans lesquelles elle adorait flâner, la petite, battant des paupières pour l’attendrir. Il finissait par l’embrasser, lui, étirant un énième sourire sur ses lippes charnues, gamine au comble du bonheur lorsque son amour l’attirait à l’intérieur du bâtiment. « Tu fermes ? » Qu’elle commençait par demander, l’air interrogateur, se demandant s’il cédait à sa requête ou s’il lui préparait quelque chose, de plus grand encore. Alentours, il n’y avait personne, pas l’ombre d’un personnel ou de visiteurs, amateurs d’Art. Ses prunelles brillaient, de plus en plus, en découvrant les bougies déposées, l’ambiance tamisée, dans laquelle elle avançait, ses mains dans celle de Mathias. La joie éternelle, de cette poupée, aux anges pour pas grand-chose et encore plus, lorsqu’il s’agissait de ses passions. Et sa paume se libérait pour se déposer sur sa propre joue, émue de découvrir sa surprise : la privatisation du musée, avec un lot de surprises. Une moue émue aux traits, tandis qu’il attirait son attention vers une première œuvre. Elle était absorbée par les explications, les lèvres entrouvertes et ses yeux, scrutaient chaque détail de l’œuvre, en ouvrant l’enveloppe. Marla découvrait donc le premier mot et levait le regard vers Mathias : radieuse, étincelante. « Je te suis. » Les phalanges tendues vers lui. Son rêve.

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Et l’espace d’un instant, il la voyait réellement : la gamine qu’elle n’avait jamais laissé paraître, par peur que la vie ne la fracasse. Par peur que les obstacles ne la renverse. Mathias, il voulait simplement lui faire retrouver les sensations d’enfance, de légèreté : qu’elle se voit enfin comme elle était réellement. Remplie d’amour, de passion, de beauté. Indispensable au quotidien du brun. Bien évidemment, il ne ferait pas tous les tableaux : ses préférences auraient l’honneur de quelques explications un peu maladroite, loin d’être un professionnel de l’histoire. Mais passionné par la brune, il suppose que tout pourrait s’arranger. Elle attrape le mot, une moue émue sur le visage, avant de nicher ses doigts dans les siens, pour entrelacer ce qu’il restait d’humain chez eux. Alors il avance, Mathias, souriant et heureux. S’arrête sur la deuxième oeuvre. Se racle la gorge et lâche la main de la brune. « Ici, un croquis du visage de Vierge Marie, par Leonard Da Vinci. On peut observer la trace encore béante de la main droite de l’artiste qui, dans la hâte, n’a pas fait attention à ce qu’il faisait, trop absorbé par la beauté de sa muse éphémère. » Et le regard se pose de nouveau sur Marla. Un sourire complice sur le visage. Et il désigne derrière, ce corset. « Recouvert de véritable feuille d’or, ce corset était l’élégance même du XIXe siècle ; siècle auquel il appartient. » Un mot était encore attaché dessus. Il a attendu sagement qu’elle l’ouvre. Le lise. Et lui accorde son attention pour continuer la visite.

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Ses pas se calquaient sur ceux de Mathias, le suivant en glissant ses prunelles céruléennes sous tout le décor environnant. Chaque œuvre était regardée, au même titre que les sculptures et objets précieux, qu’avaient récupéré le musée. Elle était fascinée, sur un nuage, Marla, éprise par l’Art depuis de si longues années, qu’il avait visé si juste, Mathias. C’était un réel rêve que de se retrouver enfermer entre ces murs, d’être ici, coupée du monde, sans personne pour crever leur monde, pour les empêcher de s’animer au centre de tous ces biens précieux. La brune, elle appréciait l’entendre parler des œuvres, sans hésitation, essayant de lui apprendre quelques secrets artistiques, sur cet endroit, pas encore visité par la petite. Elle se sentait privilégiée. « Ça pourrait t’arriver. » Qu’elle murmurait, d’une voix tendre, en admirant de plus proche le corset, qu’elle trouvait bien trop beau. « Il est magnifique. » Elle en avait, des étoiles dans les yeux, admirant les détails de sa confection avec intérêt et attention. À nouveau, ses phalanges glissaient jusqu’au mot, noué avec précaution et elle découvrait la nouvelle phrase, rivant ses prunelles des siennes. D’un accord bleuté parfait. « Moi aussi… » Sa voix portait à peine, parce qu’elle caressait sa main de la sienne, enlaçant ses phalanges d’une étreinte réconfortante, en embrassant le dessus de la paume de son amour. Impatiente de connaître la suite, d’arpenter l’immense bâtisse.

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Mathias, il avait beau connaître la brune, il avait cette peur au fond du ventre qu’elle trouve tout cela trop gnangnan, trop cul-cul, trop romantique pour leurs âmes vagabondes. Il y avait réfléchi depuis si longtemps, avait pris le temps d’écrire sur ces bouts de papiers pendant son travail ; il avait cherché, recherché les informations sur les œuvres. Fabriquant de ses petites mains le rendez-vous parfait pour elle : pour voir l’éclat dans ses yeux et l’enfance qui revient, au galop. Mais plus ils avancent et plus Mathias se détend : de la voir observer avec admiration chaque détails, chaque œuvres ; de la voir s’éprendre un peu plus de lui au fur et à mesure qu’il lui écrivait oh combien elle était importante pour lui. Alors il sourit à sa réflexion : sait qu’elle a raison. Combien de mains ont été tâchés de trop dessiner la brune ? Combien de dessins fichus en l’air de tâches de crayon ? Il connaissait les ravages d’une muse ; de l’obstination de vouloir reproduire la perfection. Alors finalement, Léonard et lui avait quelque chose en commun, en plus de l’amour du papier. Il se délecte du baiser de Marla, sur le dos de sa main. « On continue ? » Timide, par peur de briser l’entre nous. L’entre deux. Passant à la troisième oeuvre. Ils n’en resteraient plus que deux suite à celle-là. Il angoissait déjà de la suite. De nouveau, il lâche la main de Marla. Et s’exprime plus légèrement. « Champ de blé avec Cyprès, de Van Gogh. Il l’a peint lors de son séjour au Monastère Saint-Paul-De-Mausole : il y était pour se soigner d’une fièvre ravageuse. On peut sentir la mélancolie dans le coup de pinceau. Et les couleurs vives nous rappellent l’été. » Il se pince les lèvres et désigne du bout du menton la statue derrière, elle aussi avec son mot. « Tu reconnaitras sans mal Nydia, l’aveugle aux fleurs de Pompéï ; ou la messagère d’une dernière ère. » Et tu inspires finalement. Prêt pour les deux dernières œuvres.

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Plus ils avançaient, plus son cœur s’emballait. Marla, elle ressentait l’agitation de son âme d’enfant, découvrant l’univers pour la première fois, de ses doigts feutrés. Elle restait calme, malgré l’envie de sauter partout, d’excitation, de joie excessive. Le palpitant tambourinait et elle gardait, proche de ce dernier, les mots notés d’une jolie écriture, ces quelques déclarations, qu’il lui offrait. Marla, elle se sentait enfin aimer et cela apaisait ses déchirures, ses failles. Celles qu’elle tentait d’occulter, mais qui ne faisaient que sortir au grand jour. Il était son guide et elle le suivait, sans perdre son sourire, son expression d’enfant émerveillé par sa première étoile filante. « La sérénité de la nature. » Qu’elle murmurait en caressant des yeux, la peinture, aux couleurs évoquant la période chaude, mais aussi un calme incroyable, de part la nature, sans rien autour. Juste de la végétation et le besoin de se soigner, de se ressourcer. Ensuite, elle récupérait le dernier mot, l’ouvrant à son tour. Celui-ci lui faisait également lever les mirettes vers Marthias, demeurant silencieuse. Elle le regardait simplement, avec ses yeux d’amour : un regard et ils pouvaient voir à quoi point ils s’aimaient. Le miroir de l’âme, Marla et Mathias, les yeux, ils en disaient bien plus qu’eux-mêmes. C’était pour cette raison que ce mot la touchait un peu plus que les autres, restant un long instant, à simplement se regarder. Débordant d’amour, pour l’autre.

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Il était fier de lui. De la voir trépigner. Il sentait son excitation, sans qu’elle n’ait besoin de le lui dire. Il pouvait entendre les battements de son cœur s’accéléré alors que la visite continuait. Et il avait presque l’impression que le sien battait à l’unisson. Il s’exprimait sans faille, sans bavure : il n’en disait jamais trop ; jamais pas assez. Juste ce qu’il faut d’information, utile, complice, pour qu’elle apprenne un peu : bien qu’il sentait que c’était lui qui apprenait, à ce moment précis. Il la savait cultivée, en plus d’être douée pour l’Art. Marla, c’était un exemple de celle qui réussit ; de celle qui, dans son imperfection, demeure parfaite pour l’humanité entière. Il inspire, la tire un peu pour avancer : il ne se doute pas que ça fait maintenant 2 heures qu’ils sont là, à se raconter les histoires du passées, à se dévorer d’un regard que seul eux connaissent. Marthias, une seule entité pour deux âmes : enfin trouver, se retrouver. Et il pourrait mourir pour elle : sans doute était-ce ce qu’il voulait lui dire à travers ce petit chemin. « C’est l’avant-dernière. » Pour prévenir d’une fin imminente à un voyage merveilleux. Ils se plantent devant ce portrait. « Julia Jackson, par Julia Cameron. Probablement mon préféré. » Un silence, un sourire pour Marla et les yeux qui pétillent quand il regarde l’œuvre. « C’est la nièce de l’artiste qui est ici représentée : elle représente la pureté, la beauté et la grâce dans les yeux de l’artiste. Et c’est cette sensibilité acharnée qui sera caractéristique de Julia, tout le long de sa vie. » Il se pince les lèvres, secoue la tête. Et désigne d’une main ce dernier mot, sur cette statue. « Parce qu’il fallait bien une petite représentation de ma passion pour l’Egypte. » Et un rire, très léger, presque silencieux.

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Elle aurait pu y passer la nuit, à le suivre et l’écouter, parce qu’elle ne s’en lassait pas, Marla. Amoureuse de l’Art autant que de celui qui prenait sa main, pour continuer et prolonger la visite, au sein de l’immense bâtiment. C’était une belle surprise, sûrement la plus belle jusqu’à présent, puisque leurs deux mondes se mélangeaient, pour n’en former qu’un : unique et magnifique. Resplendissants, à l’image des sourires larges qu’ils s’adressaient, des regards amoureux qu’ils s’offraient, sans pouvoir retenir tout cet amour, les unissant. Le tour s’approchait de la fin et Marla se posait aux côtés de Mathias, un bras dans son dos, le minois appuyé contre son bras, à simplement regarder le tableau. Celui préféré de son amour, qu’elle découvrait pour la première fois. Et elle n’ajoutait rien, touchée par cette attention, en ouvrant les yeux sur le mot. Une énième phrase, étirant une large risette sur ses lippes charnues. Cette fois encore, elle demeurait muette, Marla, glissant ses paumes sur les joues de son amour, pour embrasser ses lèvres. Plus ils s’approchaient de la fin, plus elle le sentait nerveux et sa tendresse, à elle, c’était la meilleure façon de l’inviter à se détendre, de ne pas perdre confiance en lui, tant ce moment ensemble, la gonflait de joie.

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