La grande pomme ne dort jamais. Alors que tous pensaient que le calme reviendrait sur la ville et que les gens se préparent au festival à venir, c'est une série vols qui font progressivement la une des journaux locaux. Nul n'a encore réussi a appréhender les auteurs de ces délits ou définir leurs cibles de prédilection. Faites bien attention à vous.
Et on l’sait nous, qu’tu as voulu mourir, lui donner ta vie. Parce que la voir comme ça, dans cette ruelle, sans vie, entre tes bras. Tes hurlements de détresse. Ta peur. Toutes ces convictions, ses plans pour l’avenir, l’amour qu’tu lui portes : tout c’qui s’est effondré, envolé en même temps qu’sa vie. Et t’avais pris ça pour un échec. Pour une fin en soi. Pas seulement d’sa vie, mais d’la tienne aussi. Parce que Stormy, avoir perdu Ava, ça t’a fait t’rendre compte d’une chose : si t’étais bien seul avant elle, t’avais juste plus la force de faire sans tes sentiments. Une pluie de baisers sur sa main, l’envie irrésistible de lui rappeler à quel point elle faisait ta force et ta faiblesse. Et la voir ainsi te faisait autant d’mal que du bien : parce que ouais, Storm, elle est peut-être en vie, mais à quel prix ? L’étendue des dégâts ? On verra ça plus tard. Parce que ce que le serpent veut, le serpent a. Et elle mérite tes bras. Tu mérites le repos Soldat. Tu vous sais en sécurité : et même si tu garderas un œil ouvert, parce qu’on ne sait jamais, la nuit est à vous. A votre amour. A votre santé. Pour que les anges n’doutent plus jamais d’votre union. Tu t’relèves en grimaçant. L’aide à se décaler un peu. « Doucement. » Qu’tu murmures, prévenant. Et tu glisses ton corps cassés contre le sien. Tu ouvres tes bras pour accueillir la douceur du serpent, son corps malmené. Tes lèvres s’posent sur son front, dans ses cheveux. Et t’inspire son odeur en fermant les yeux : dose d’oxygène indispensable à ta survie. « Promets-moi de n’jamais mourir. » Utopique l’artiste.
Elle était si satisfaite de le voir, là, tout prêt d’elle, à s’échouer proche de son cœur, si bien que son regard se voilait une seconde fois d’émotion, d’une déferlante sentimentale. Le corps se décalait et le sourire se dessinait en le voyant si prévoyant, attentionné, mais c’était sur l’effet des médicaments, elle n’était plus trop elle avec tous les anti-douleurs et autres parades médicales visant à ce que son corps ne ressente plus rien. Pas sûr qu’elle le laisserait prendre soin d’elle à la sortie, avec sa putain de fierté, sa tête dure qui ne demandait qu’à se confronter à son égal. Sur le moment, elle se laissait faire, l’accueillant à même ce lit d’hôpital, témoin de cet amour débordant, mais Ava, elle ne tardait pas non plus à venir se blottir dans ses bras, les doigts parcourant un de ses bras, à baiser lentement sa peau encrée. « Enlève ton haut. » Parce que j’ai besoin de ta peau contre la mienne, que nos peaux fusionnent, Storm. Et un rictus venait étirer ses lèvres, tandis que son visage glissait contre sa nuque, à s’imprégner de son odeur corporelle, à caresser fébrilement son épiderme, le redécouvrant après cette trop longue séparation, après cette cassure. L’étreinte purement méritée, à se toucher, à se sentir, à se tenir, pour vérifier que l’autre était réel, que c’était la réalité et non une vision illusoire, comme pour se rassurer, se dire « eh putain, t’étais où ? » Mais sans un mot, parce qu’Ava, elle était sur le point de s’endormir à chaque battement de cil, sombrant peu à peu, en dépit de ses caresses, de ses lèvres embrassant longuement son corps. « Putain, qu’est-ce que je t’aime, Storm. » Et t’en as pas idée, love.
Et tout semble plus facile maintenant, pas vrai Storm ? Même respirer n’est plus si douloureux quand elle est là, dans le creux de tes bras, sur ton corps cassé et ton cœur brisé. Parce que ouais, ça demande du temps avant d’se remettre de c’genre de trucs : c’est pas tous les jours qu’on perd la femme de sa vie. Et on ne t’en veut pas : ni d’tes larmes, ni d’tes sanglots ; ni d’ta prévenance et encore moins d’ce déboire d’amour, c’trop plein de sentiments envers le serpent. Parce qu’il faut soigner vos âmes en plus de vos corps. Des âmes-sœurs brisés. Séparés. Qu’la vie n’a pas épargné. Elle te demande de retirer ton tee-shirt, et tu t’exécutes. Même si tu l’sais, qu’les cicatrices sur ton corps vont l’effrayer. Les traces de ces combats d’cellules. D’ces coups d’couteau à la volée, des côtes brisées, des bleus infinis. Divine voie lactée sur ta peau déjà encrée. Tu balances ton tee-shirt à travers la pièce, et resserre ton étreinte autour de la frêle et belle Ava. Déesse à demi endormie, tu la contemple comme pour te rappeler qu’elle est bien en vie. Combien d’temps faudra-t-il avant de cesser de sursauter la nuit, par peur que son cœur ne s’arrête ? Combien d’mois avant d’pouvoir ressortir sans r’garder derrière vous, par peur de la fin ? Mais Storm, la mort n’est pas une fin en soi : c’est une renaissance. Et tu l’sais, qu’à la vie à la mort, vos âmes sauront s’retrouver.
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