Elle était une femme douce, sa mère, bien plus avenante que ne l'était son père, voire même son opposé, pas bien difficile en même temps considérant le caractère de ce dernier, mais il était toujours étonnant de se dire qu'ils étaient à ce point différent, lui tellement froid et fermé, elle si effacée et compréhensive. Il le savait, le plus grand, qu'il n'avait plus rien à lui reprocher à elle, du moins pas dans le présent, leur relation n'était plus la même que par le passé, bien plus saine, mais les interventions de son géniteur étaient toujours bien trop houleuse, la pauvre femme n'ayant d'autre choix que d'essayer de faire tampon. Elle avait d'ailleurs toujours cet air un peu fatigué, les traits tirés de celle qui, bien qu'elle n'en donnait pas l'air, portait beaucoup sur ses épaules. Un fils perdu, celui qui restait et son mari se déchirant plus que de raison. Pas une place évidente, mais sans doute permettait-elle à la petite famille de ne pas complètement imploser.
Elle a été foutue pourtant, votre famille
, à l'instant même où elle a été amputée d'un de ses membres, laissant des lésions évidentes en chacun de vous. Un poids lourd à porter pour une mère, mais il n'était pas question de cela, là, la rencontre avec Diego monopolisant une quelconque autre conversation, ne mettant le tatoué que peu à l'aise. Elle n'avait pas oublié combien le plus jeune avait compté aux yeux de son fils, combien il s'était fermé du jour au lendemain lorsqu'ils avaient rompu ; se rendrait-elle compte qu'
il comptait toujours terriblement ? Bien plus encore que ça n'avait été le cas auparavant ?
Laissant son amant et sa mère échanger quelques mots comme si c'était la chose la plus normale qui soit, Greg s'appliquait à ne pas croiser leurs regards, se focalisant sur son café, une main filant dans le pelage de Phoenix comme dans une recherche d'apaisement plus que nécessaire. Il s'en serait bien passé, de ce moment gênant où sa mère balançait qu'il parlait beaucoup de lui, où elle laissait entendre qu'il avait alors une place particulière dans son cœur et sa vie, au point d'en parler
beaucoup, mais elle voulait bien faire, sans doute, s'ouvrir un peu à la vie de son fils pour rompre une part de cette distance qu'il mettait malgré tout constamment entre eux.
Y a de ces fois où t'as l'impression que vous êtes des inconnus, que les liens du sang sont juste du vent, rien de concret, comme si vous évoluiez pas dans le même monde, incapable de vous entendre. Et pourtant, elle t'as entendue, elle, il y a des années de cela déjà. Lorsque Parra tentait de faire comprendre à la plus âgée qu'il n'y avait plus rien entre eux, il inspirait, mâchoire crispée, reconnaissant de ne pas avoir à mettre à jour le fait qu'ils étaient en peu de temps devenus bien plus que cela, plus que de simples
collègues qui déjeunaient ensemble de temps en temps. Pas sûr cela dit que le mensonge prendrait.
Une mère sent ces choses là. A quel point Maria Kent savait-elle déchiffrer les regards et tensions de son fils ?
La proposition de son cadet fusait alors. Se joindre à eux ? Instinctivement, le lieutenant relevait le nez vers lui, consterné devant cette demande trop normale, bien trop
officielle. Le jeune se reprenait rapidement, corrigeant ses propos en affirmant qu'il devait partir, qu'elle pouvait prendre sa place. Il fronçait les sourcils désormais, n'ayant aucune envie que la situation tourne de cette manière, aucune envie qu'
il s'en aille et que sa mère prenne sa place.
Sauf que c'est sans doute mieux comme ça, mieux que de le retenir et de laisser entrevoir le fait qu'il représentait bien plus que cela. Un soupir résigné et il lâchait un «
on se voit au poste » un brin tendu juste avant que le concerné ne s'éloigne vers l'intérieur, la femme prenant alors place en face de lui, se risquant à accorder une caresse au canidé qui était venu renifler son sac, ne le connaissant que trop peu. «
J'espère que je n'ai pas fait fuir ton ami... » Soucieuse, gênée, son sourire avenant et son air maternel ne quittant cependant pas son faciès. «
Ne t'en fais pas, nous avions quasiment terminé de toute façon » qu'il disait pour essayer de la rassurer, incapable malgré tout de répondre à son sourire.
Quelques secondes plus tard il captait la silhouette du plus jeune qui sortait du café, leurs regards se croisant une dernière fois avant qu'il ne disparaisse pour de bon, le laissant avec son trouble et ses incertitudes.
-FIN-