ALEXIS S. WARREN • Zoë Kravitz

quelles sont tes ambitions de vie ? Continuer à garder mon petit confort ? Parce-que soyons d'accord, j'ai déjà tout ce dont j'ai besoin, mais comme je suis incapable de m'en tenir qu'à ça, j'envisage d'ouvrir d'autres galeries, ailleurs dans le pays voire même le monde, augmenter la notoriété, laisser une trace de mon passage.

---

souffres-tu de maladies, addictions, tics, ...? Pas aux dernières nouvelles nan. Ça m'arrive de fumer vite fait en soirée mais j'ai pas une conso régulière ni de dépendance. J'avais des troubles alimentaires plus jeune et même si cette période est révolue j'en ai encore quelques signes, parfois. En dehors de ça c'est tout, je vérifie que j'ai bien fermé la porte à clé, comme tout le monde.

---

comment les gens te jugent-ils généralement ? Sans doute pas très bien. Faut dire que j'ai tendance à dire ce qu'ils préféreraient pas entendre, forcément ça plaît pas. Paraît que je suis trop égoïste aussi, je peux pas dire qu'ils ont tort : personne s'en sort à être altruiste, suffit de donner la main pour se faire bouffer le bras, très peu pour moi.

---

œuvres-tu dans ton intérêt ou dédies-tu une partie de ta vie aux autres ? Mon intérêt, rien d'autre. Alors oui, je fais partie d'une asso pour l'environnement, mais l'état de mon environnement de vie me concerne donc je m'y investi, aussi simple que ça.

as-tu un casier judiciaire ? Nan, blanche comme neige messieurs dames. Quand j'étais enfant j'avais volé un truc dans une boutique pour relever un défi, ça m'est retombé dessus, évidemment, mais c'est pas assez pour avoir un casier mh ? Pour le reste... disons que je sais courir vite.

---

quelles sont les pires et meilleures choses que tu aies faites ? Ma galerie d'exposition est sans doute mon meilleur accomplissement et meilleure action parce-qu'elle permet à de jeunes artistes, en tous cas les plus prometteurs, d'être vus au grand jour et d'avoir une possibilité de reconnaissance. Je me dis que si j'avais été à leur place, j'aurais apprécié cette main tendue. Pour ce qui est des pires choses... dépend du point de vue de chacun, sans doute qu'aux yeux du peuple j'en fais de mauvaises chaque jour.

---

quel est ton plus grand regret ? Aucun regret, jamais, je sais ce que je fais et pourquoi je le fais, aussi simple que ça.

---

penses-tu, au fond de toi, être quelqu'un de bon pour les autres ? Franchement ? Ouais. Je suis pas à proprement parler une mauvaise influence pour les autres, et y en a pas mal qui devraient prendre exemple et jouer la carte de la franchise plutôt que de l'hypocrisie maladive, tout tournerait mieux. Mais c'est sûr que je suis pas un bon exemple pour les gamins, à moins que leurs parents veulent qu'ils adoptent mon langage un peu trop brut.

L'une des premières choses que vous remarquerez sans doute chez Alexis est son côté sûre d'elle, cette assurance qu'elle dégage et qui lui donne un charisme certain. Elle est droite dans ses bottes et dénuée d'hésitation, certains associeront sans doute cela à une personnalité trop bornée ou inconsciente, et ce n'est pas elle qui affirmera le contraire. Déterminée, c'est précisément la lueur qui brille dans ses iris. Lorsqu'elle a quelque chose en tête elle va au bout des choses, bien décidée à ne pas lâcher le morceau, et elle mettra tous les moyens de son côté pour atteindre ce qu'elle souhaite. Toutes ces parts d'elle font qu'elle est une personne intrépide, bien loin de se laisser porter par de quelconques doutes ou peurs, elle fonce, la brune, parce-qu'à trop réfléchir il est bien trop facile de se laisser paralyser par l'angoisse, très peu pour elle. Son égoïsme est sans la moindre hésitation la première réelle ombre à ce tableau pourtant coloré, la jeune femme pensant à elle en premier lieu, le reste du monde passant clairement après. Comment arriver à ses fins à être trop gentil et se mettre de côté ? Impossible, et à part de la reconnaissance ça n'apporte rien du tout, pas utile donc.

Il lui suffit d'ouvrir la bouche pour prouver qu'elle est une personne franche. Elle n'hésite pas à dire ce qu'elle a à dire, tant pis si ça blesse, si ça secoue, ou si on ne lui avait pas demandé son avis. Il en faut des personnes pour soulever même les points qui dérangent, pas vrai ? Il lui arrive même régulièrement de se montrer méprisante, résultante de sa jeunesse où elle n'a eu d'autre choix que de s'imposer pour se faire respecter, c'est une habitude dont elle ne cherche même pas à se défaire, pas dérangée le moins du monde à l'idée de regarder le peuple de haut. Alexis ne se privera d'ailleurs pas pour le faire avec un langage plutôt fleurit, dotée d'une vulgarité que ses parents lui reprochent encore aujourd'hui. Elle jure, souvent, et se fout bien de si la politesse est ou non de mise. À ces attraits déjà peu glorieux peut être ajouté son côté sans gêne, tant dans ses mots que dans son attitude. Elle n'hésitera pas à se comporter chez vous comme elle le fait chez elle, n'ayant ni retenue ni tabou, à se demander parfois si elle a réellement eu une éducation bourgeoise.

Malgré cette surprotection à laquelle elle a eu droit étant enfant, elle est parfaitement autonome, n'ayant nullement besoin de s'appuyer sur qui que ce soit, d'attendre que quelqu'un vienne la sauver d'une situation contraignante, elle fait, seule, et ne s'en est pas trop mal sortie jusqu'à présent. Pour autant, la tatouée est une bordélique sans nom, probablement est-elle même la seule personne capable de retrouver quelque chose dans son appartement. Sans être négligée, elle est totalement du genre à laisser traîner de trop nombreuses choses, l'organisation ne faisant de toute évidence pas partie de son monde de fonctionnement. Alexis est par ailleurs une éternelle insatisfaite. Rien n'est jamais complètement bien, à cent pourcent acceptable, il manque toujours quelque chose, et à peine obtient-elle ce qu'elle voulait qu'elle a autre chose en tête, encore plus exigeante envers elle-même. Pour boucler ce tableau sur une note un brin plus positive, elle est une personne plutôt souriante. Il n'est pas rare de parvenir à la dérider, du moins tant qu'on ne cherche pas trop la petite bête.




Elle a de nombreux tatouages, les plus visibles étant sur les bras et les mains – Elle arbore tous types de styles différents mais préfère une influence un peu bohème – Elle ne mange quasiment pas de viande, principalement parce-qu'elle n'aime pas trop ça – Son colocataire est un sacré de Birmanie nommé Phil – Elle aimer râler, pour la forme – En plus de l'anglais, elle sait parler espagnol, brésilien, et a des notions de français – Les films à l'eau de rose ça l'ennuie, trop niais – Elle n'aime pas particulièrement les enfants et n'a surtout aucune patience avec eux – Elle adore tout ce qui comporte de la noix de coco, nourriture, gel douche, tout y passe – A suivi des cours de piano lorsqu'elle était plus jeune et s'en sort plutôt bien même si elle ne pratique plus aussi souvent qu'avant.




Nassau, 15 avril 1988, 8h57, moment exact où Savannah a poussé son premier cri, née prématurée d'un mois. Elle est encore fragile, bien trop petite, et abandonnée dans la minute par sa mère biologique qui n'accepte de la voir que quelques secondes à peine, juste le temps de la nommer. Un déchirement pour la femme qui, pourtant, sait qu'elle n'a pas d'autre choix pour protéger son enfant et lui donner la chance d'avoir une vie meilleure que ce à quoi elle serait destinée. Après plusieurs semaines d'observation, elle est transférée dans un orphelinat de la ville, prise en charge par des nurses qui font leur maximum pour qu'elle ne ressente pas l'absence d'une mère, que son début de vie se passe de la meilleure manière possible. Elle y mènera plusieurs années pas forcément évidentes, entourée d'enfants tous plus agités les uns que les autres, brisés, aussi, et elle, toute seule parmi cet océan de misère, n'aura d'autre choix que de se faire plus petite encore, se fondre dans la masse et ne pas faire de vague. Elle en est loin, pour l'instant, de cette vie colorée que sa génitrice avait supposé lui accorder en l'abandonnant.

C'est à l'âge de 5 ans, en 1993, que sa vie change du tout au tout. Un couple d'Américains, blancs, riches, propres sur eux, décident de l'adopter. Terminé, Savannah. Bienvenue, Alexis. Un emménagement à Boston pour la fillette qui, malgré la joie d'avoir enfin une famille, peine à se faire à ces changements. Terminé, l'agitation de l'orphelinat, les dizaines d'enfants qui gravitent autour d'elle, terminé les cris la nuit, les passages de parents en quête de l'enfant parfait pour combler leur mal d'amour. Ils sont aimants, ses parents, font tout pour qu'elle ne manque de rien, l'inscrivant dans une école privée où elle se retrouve entourée de nouvelles têtes blondes, elle, la gosse métissée aux parents bien américains. Vient alors un nouveau facteur inédit dans son quotidien : le racisme, les regards suspicieux, les jugements. Les enfants sont les pires, influencés par les propos de leurs aînés, et elle subit, Alexis, préférant cacher ces faits à sa famille. Goûters volés, bousculades gratuites, humiliations, les larmes sont nombreuses, l'incompréhension grande et la colère de plus en plus vive. Malgré tout, elle s'applique à être une bonne élève, ou du moins à se concentrer suffisamment pour obtenir la moyenne, au moins ça.

Les années passent, l'enfant timide et trop soumise laisse doucement place à une adolescente bien moins passive. Elle se laisse de moins en moins faire, n'hésitant pas à se venger de quiconque dépasse trop les limites. Bouteille d'eau percée qu'elle planque dans un sac, cours gribouillés, casier forcé pour en saccager l'intérieur, la brunette agit en toute discrétion, devenant pro dans ce que certains appellent des coups de pute, s'en satisfaisant sans jamais se faire prendre la main dans le sac. Elle commence également à se montrer un brin plus virulente avec ses parents qui ne comprennent pas ce changement d'attitude, le mettant sur le coup d'une crise d'adolescence, le problème étant malgré tout bien plus profond que cela. Mais elle ne leur en veut pas, Lex, elle sait qu'ils font au mieux, bien mieux que ce qu'auraient pu faire ceux qui l'ont abandonnée. Elle ne pose d'ailleurs pas de question sur ses parents biologiques, bien consciente qu'elle ne peut rêver mieux que ce à quoi elle a droit, là, entre l'amour de son père et sa mère et l'aisance financière évidente. Ce cadre familial jugé parfait ne l'épargne cependant pas de troubles alimentaires, la poussant aux limites de l'anorexie, alarmant les Warren qui la pousseront à consulter un psychologue.

C'est l'année de ses 17 ans, en 2005, que les Warren déménagent à New-York afin d'y inaugurer le siège de leur entreprise pharmaceutique et, dans le même temps, de permettre à leur fille de repartir sur de potentielles meilleures bases. Nouveau départ, nouvelle école, nouvelles habitudes à prendre, et aucun regret à laisser le reste derrière, du moins pas pour elle. Elle avait bien sûr quelques amis, même un petit copain, mais elle ne les aimait pas suffisamment, ni les uns, ni l'autre, pour s'en sentir perturbée plus que nécessaire. Toujours aussi individualiste, la brune, elle termine le lycée dans cette nouvelle ville et entre dans la fac la plus réputée pour suivre des études en art, se spécialisant rapidement en photographie, elle qui a toujours été fascinée par ce qui pouvait être transmis au travers d'un objectif. Les clichés de personnes pris à la volée, démontrant leur ressentis purs, de détails figés d'une ville en mouvement constant, de paysages ou bâtisse que l'Homme semble ne pas avoir touché depuis des années. C'est vers la fin de ces années d'études qu'elle se mettra doucement à l'urbex, un peu de temps en temps, par simple goût du risque et, surtout, par envie de dénicher des clichés inédits. La brune obtiendra d'ailleurs son diplôme sans trop de mal, plus assidue qu'elle ne l'était dans ses jeunes années bien qu'elle ne se prive pas de sortir faire la fête et profiter de la vie.

Elle est photographe indépendante depuis plus de six ans déjà, étant doucement parvenue à se faire un nom dans le milieu, décrochant entre autre des contrats dans des agences de mannequinat et des boîtes de presse, alimentant également les réseaux de clichés bien plus personnels mettant en avant son art. C'est il y a un an qu'elle a pris la décision d'ouvrir une galerie où elle donne la chance à des photographes amateurs d'exposer. Quotidien haut en couleur qui est couplé avec son bénévolat au collectif, les agissements bien moins légaux restant parfaitement secrets pour l'instant bien qu'elle soit en parfait accord avec ses convictions et la personne entière et -parfois- tranchante qu'elle est.