La grande pomme ne dort jamais. Alors que tous pensaient que le calme reviendrait sur la ville et que les gens se préparent au festival à venir, c'est une série vols qui font progressivement la une des journaux locaux. Nul n'a encore réussi a appréhender les auteurs de ces délits ou définir leurs cibles de prédilection. Faites bien attention à vous.
Le nez dans les dossiers, le bouclé actionnait nerveusement le click de son stylo, ses dents malmenant la barre du piercing qui ornait sa langue, preuve indéniable qu'il était en pleine réflexion. Depuis que le Bacchus avait fermé et qu'il était passé de barman à escort, il avait nettement plus de temps, l'intégralité de ses soirées n'étant plus consacrées au club et, pourtant, ses traits étaient tirés comme s'il enchaînait trois boulots dans la semaine, les cernes qui cerclaient son regard prouvaient de nuits trop agitées, laissaient supposer qu'un certain nombre d'heures manquaient au compteur, d'autant plus depuis qu'il avait fini par écouter les explications de Levi et que, fatalement, chaque mot tournait en boucle dans son esprit. Il avait eu raison, Leslie, en soulevant le fait que cette discussion avec son cadet allait lui retourner le crâne et ramener les doutes dans son être tel un poison. S'occuper l'esprit était le seul moyen qu'il avait trouvé pour faire taire toutes ces parts de lui en opposition, et passer le plus clair de son temps au collectif, notamment au local de la CSF, était le moyen le plus efficace pour cela. Il n'avait qu'à mettre un pied dans le bâtiment pour que les tourments attendent sagement devant la porte, lui permettant ainsi de se focaliser pleinement sur ses tâches ici, entre dossiers, aides aux devoirs avec les enfants, et préparation d'activités en tout genre. Il en faisait bien plus depuis que la Red Harvest Cross et la Smiling Fondation avaient fusionné, secondant Hanseol dans de nombreuses tâches afin que tout se passe sans accroc et que ni les enfants ni les familles ne soient impactées par ce changement de présidence.
« Leslie ? La femme avec qui tu as rendez-vous est arrivée » l'informait une autre bénévole qui venait de passer sa tête dans l'encadrement de la porte du bureau qu'il avait investi pour l'après-midi. Relevant les yeux vers elle, tiré de ses réflexions, il refermait machinalement le dossier entre ses doigts. « J'arrive, merci Caitlyn. » Un sourire, de ces sourires solaires qui le caractérisaient malgré son regard plus éteint qu'auparavant, ceux qui le connaissaient le mieux ayant dû remarquer ce changement d'état mais il s'appliquait à maintenir au mieux les apparences, prétextant simplement une fatigue accumulée. Se levant alors, il prenait la direction de l'accueil, une main distraite filant dans ses boucles pour les ordonner un minimum.
Ses prunelles captaient alors la jeune femme qui attendait là, l'Australien supposant qu'il devait s'agir de la fameuse Suhee. S'armant de son sourire avenant, il s'en assurait d'un « Suhee ? Je suis Leslie », lui tendant une main afin de la saluer. Toujours amusant, pour ceux qui le connaissaient dans un cadre plus personnel, de voir à quel point il pouvait arborer un fonctionnement plus professionnel tout en restant suffisamment amical pour que ses pairs soient mis à l'aise plus facilement. Un caméléon, capacité qu'il avait développée lors de ses premiers mois chez Palette et qui lui était régulièrement utile, d'autant plus maintenant qu'il avait à nouveau réintégré l'agence. « On va se mettre dans un bureau afin de pouvoir discuter plus tranquillement. Vous me suivez ? » qu'il demandait plus pour la forme qu'autre chose, se doutant bien qu'elle le refuserait pas et, d'une certaine manière, au vu de ce qu'elle lui avait dit par messages, il se doutait qu'elle n'avait pas forcément envie que la discussion soit perceptible de tous en plein milieu de l'accueil du local. Arrivé dans le bureau qu'il avait délaissé quelques minutes auparavant, il l'invitait à s'asseoir, fermant la porte derrière elle, prêt à lui accorder toute son attention et son énergie.
« okay » qu’elle murmure, tandis qu’elle ferme délicatement le dossier contenant alors, toutes les preuves durement accumulées ces dernières semaines. c’est la gorge nouée par l’angoisse, boule de nerds pesant au fond du ventre qu’elle inspire profondément; le cœur grondant le courage de prendre les choses à deux mains. dossier dans les bras, elle attrape veste et sac à main. les minutes sont précieuses. une caresse furtive sur la tête de nova et elle s’envole suhee; quitte l’appartement en grande hâte afin de retrouver sa voiture.
abandonnant les affaires sur le siège passager, la jeune femme fait gronder le moteur, la musique résonnant dans tout l’habitacle avant de prendre le chemin du comité.
dire qu’elle était nerveuse était un euphémisme, elle débordait de stress. mains aux jointures blanches agrippées sur le volant, elle ne cesse de se mordre les lèvres, suhee. le nez froncé. elle n’y avait pas remis les pieds depuis le rendez-vous psychologique orchestré par l’état. incapable de se détacher de l’image qu’elle avait renvoyée lorsque les choses étaient devenues trop pour elle; sans se sentir comprise par son entourage. ce qui avait fait naître en elle, l’envie de quitter l’association - le doute de ne pas être assez pour faire quelque chose. hélas, c’est en ces conditions qu’elle s’y rend de nouveau. jette un rapide regard vers le dossier, si énorme, si lourd, si précieux. et si elle n’avait pas sa place dans le comité, elle se devrait de faire quelque chose pour ces enfants comme elle. elle déborde de vengeance; celle de faire payer le mal par le bien. plongée dans ses pensées, elle roule en grande hâte vers celui qui veut bien l’aider. (…)
le sourire est timide quand on lui demande d’attendre quelques instants. visage baissé, ne calcule pas les regards posés sur ses cheveux flambant. c’est dans ces moments-là qu’elle souhaiterait ne pas être vue, voudrait être invisible. hélas. le visage se redresse lorsque l’ouïe capte du mouvement. un jeune homme s’avance en compagnie de celle qui lui a demandé d’attendre. [color=rosybrown]« bonjour, enchantée de vous rencontrer »[/quote] laisse-t-elle entendre en serrant sa main. se laisse alors guidé dans son bureau. prends alors place sur la chaise en face du bureau, sourire gêné sur les lèvres. « je voulais vous remerciez de me rencontrer aujourd’hui, je ne sais pas vraiment si vous allez pouvoir faire quelque chose, mais j’ai espoir que oui » un soupir et c’est lourdement qu’elle dépose le dossier sur son bureau. « je ne vais pas passer par 4000 chemins. » le cœur se serre, les paupières se ferment d’instinct, mais c’est le courage qui gonfle les poumons, qui fait gronder la fureur de vivre. « je suis de ces enfants qu’on abandonne à la naissance, que l’état récupère, mais délaisse aux mains de personnes pas forcément bienveillantes. dans ce dossier, il y a pratiquement toute ma vie - celle que j’ai oublié. pas de mon plein gré, j’ai fais un déni de la réalité pour me protéger. si je suis là, c’est pour m’assurer que chaque famille d’accueil, chaque foyer d’éducation, l’orphelinat dans lequel on m’a jeté parce que je pleurais trop, soient fermés ou puni par la loi pour mauvais traitement, mise en danger d’enfant. je ne suis pas la seule. si j’ai gagné mon émancipation à mes dix-sept ans, c’était pour fuir cet enfer. l’état ne m’a jamais protégé, pas plus que les services sociaux. et je tiens à m’assurer que les enfants qui ont été abandonnés comme moi, soient en sécurité. »
Nerveuse et réservée, du moins est-ce de cette manière que le blond a perçu la jeune femme qui lui avait demandé ce rendez-vous quelques jours plus tôt. Après un sourire avenant et des présentations rapides il l'avait menée dans un bureau où ils pourraient discuter en toute tranquillité de la raison de sa venue, lui accordant ainsi un espace sans doute plus rassurant que le hall d'accueil de l'association, espérant qu'elle parviendrait à se sentir un peu plus à l'aise. Pas le plus altruiste qui soit, Leslie donnait tout de même tout ce qu'il avait lorsqu'il s'agissait de la CSF et des personnes -adultes comme enfants- dans le besoin qu'il rencontrait, sa bonne action de l'année, qu'il disait, bien qu'il s'agissait plutôt d'actions quasi journalières au vu du temps qu'il passait dans les locaux et du temps qu'il y investissait.
S'installant sur la chaise en face de Suhee, de l'autre côté du bureau, ses prunelles accrochant distraitement le dossier qu'elle tenait, il avait à nouveau souri à ses mots, posant dans le sien son regard compréhensif. « Je vous en prie, et je vais faire tout mon possible pour vous aider » répondait-il, sincère. Ceux qui le connaissaient au sein du collectif savaient qu'il était du genre à se plier en vingt s'il le fallait pour encadrer au mieux et répondre aux besoin de ceux qui en avaient le plus besoin, bien différent du type je-m'en-foutiste qu'il pouvait parfois être en dehors, hormis avec ses amis les plus proches qui bénéficiaient également de toute son attention. Avisant à nouveau ce dossier qu'elle pose désormais sur le bureau, il se montre attentif, Leslie, ne disant rien afin de lui laisser le temps d'ordonner son explication qui, au vu de ces paupières closes et de cette inspiration, n'a pas l'air si évidente que cela à aborder. Elle se lançait alors et, au fur et à mesure des mots, l'Australien comprenait l'ampleur du problème, hochant la tête par moments pour montrer qu'il écoutait toujours, ses sourcils froncés alors qu'il intégrait les informations transmises. Elle avait été abandonnée et avait visiblement été baladée entre les mains de mauvaises personnes, suffisamment lourd psychologiquement pour en faire un déni afin de se protéger. Déglutissant, ne pouvant qu'imaginer ce par quoi elle avait dû passer il inspirait à son tour, croisant doucement les mains devant lui. Combien de fois avait-il lui-même espéré parvenir à se tirer de l'enfer dans lequel il évoluait étant enfant, délaissé par une mère addict et instable, forcé à acquérir une indépendance bien trop prématurée pour survivre ? Sans doute n'était-ce pas exactement comparable mais, d'une certaine manière, il comprenait, entendant d'avantage ce besoin urgent de faire quelque chose pour éviter au maximum un tel chemin aux enfants.
La jeune femme ayant terminé son explication, il hochait à nouveau la tête. Nouvelle inspiration avant qu'il ne reprenne à nouveau la parole. « Même si ce qui est fait est irréversible, je suis désolé de ce qui vous est arrivé... » commençait-il, son regard clair porteur de cette empathie dont il faisait preuve à l'égard de la concernée sans pour autant être porteur de pitié. Personne n'avait besoin de pitié dans ces cas là, seule comptait l'écoute, une oreille attentive, quelqu'un qui pourrait entendre et agir en fonction. « Tout d'abord sachez qu'aucune des informations présentes dans ce dossier ne sortira d'ici à moins que vous ne le demandiez ou que vous donniez votre accord en cas de besoin. » Parce-que s'ils voulaient réellement engager des mesures envers ces établissements et familles d'accueil, il leur faudrait des témoignages précis afin d'avoir des arguments solides pour une comparution potentielle en justice. Ce dossier serait sans aucun doute une bonne base, mais le plus gros resterait à faire, à savoir obtenir d'autres témoignages et tout contrôler en profondeur. « Il va nous falloir effectuer des contrôles dans chacun des établissements concernés afin d'agrémenter le dossier de témoignages supplémentaire et donc de le solidifier. Je ne garanti pas que tout ceci pourra être fait rapidement, mais je peux déjà m'engager dans un premier temps à n'envoyer aucun enfant dans les endroits concernés. » Une promesse qu'il lui faisait là, et il ferait au mieux pour l'honorer ou, au mieux, garder un œil attentif sur les endroits en question s'ils n'avaient d'autre choix que d'y envoyer un enfant. « Garantir la sécurité des enfants est une priorité et nous devons en effet éviter au maximum que d'autres subissent ce que vous avez traversé... »
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