LEITH VERS ISAAC

La porte qui se referme derrière lui, la pièce est fort heureusement insonorisée : quoi de mieux s'il en vient à crier sur son petit-ami, qu'il s'apprête à appeler. La main tremblante, la colère s'immisce en lui, il a tenté de paraître jovial durant les répétitions pour ne pas plomber l'ambiance et désormais, il se laisse un peu plus aller dans la mauvaise humeur. Le téléphone calé contre l'oreille, il attend... puis, enfin, il parle. Allô ? La voix sèche, il ne peut s'empêcher d'être acerbe dès le début, parfaitement au courant qu'il n'est pas légitime d'être furieux.

Il sait qu'il a merdé en partant sans prévenir son petit-ami mais il n'avait pas imaginé que ça le rendrait furieux. Ou alors il avait nié cette idée, l'avait renfermé dans une partie de son esprit alors qu'il profitait d'une dernière soirée à ses côtés avant son départ deux jours plus tard. S'étant mis à l'écart, ne voulant pas déranger Minki, il attendait l'appel avec crainte et soupira quand il remarqua que Leith avait été plus que rapide. Hésitant quelques secondes, laissant la sonnerie s'élever dans les airs, il finit par décrocher et porter son téléphone à son oreille. Salut... Il ne sait même pas quoi dire, sachant que toutes les excuses au monde ne lui permettront pas de se sortir de cette situation.

Malgré tout, son coeur se met à tambouriner quand il entend la voix d'Isaac, preuve qu'il ne pourra jamais lui en vouloir trop longtemps. Cependant, il n'a pas envie de se laisser attendrir trop rapidement. Tu comptais vraiment me le dire aujourd'hui ? Si Ace ne m'avait pas mis au courant, est-ce que tu aurais réellement pris le temps de me prévenir ? Il attaque dès le début, ne voulant pas tourner autour du pot, la voix tremblante de colère.

Il n'a même pas le temps de lui demander comment il va que Leith attaque déjà le sujet de leur appel, faisant doucement soupirer le trentenaire. Ce dernier, se laissant glisser le long d'un mur pour s'asseoir, ne répond pas tout de suite. Il y a pensé, s'était dit qu'il le préviendrait tout de même pour éviter qu'il ne s'inquiète de ne pas le voir de la semaine. Oui. Une réponse courte mais qui est bientôt suivie par d'autres mots. J'aurais pris le temps de t'appeler pour te le dire, de t'expliquer la raison de mon départ. Je prends toujours du temps quand ça te concerne. Parce qu'il est sa priorité après tout, peut-être un peu trop même quand il voit que ça lui arrive de mettre tout en pause le temps de le voir.

Il finit par poser son postérieur sur une table, l'écoutant avec agacement. Il sait bien qu'au fond, il n'a pas réellement le droit de s'énerver quand il est pire, à toujours cacher des choses, mais il ne peut s'empêcher de s'énerver. Tu me dis que je te parle jamais de mes ressentis, mais je savais même pas que t'avais besoin d'une pause ! C'est même pas le fait que tu sois parti pour ça qui m'énerve, c'est le fait que tu sois parti pour une aventure dangereuse ! Et si... et s'il t'arrivait quelque chose, hein ? T'y as pensé ?

Le ton montre malgré le Rosewood, lui qui aurait tant aimé que la discussion se fasse dans le calme. Mais il ne réagit pas tout de suite, le laisse s'énerver avant de finalement répondre. Je suis désolé... Il l'est vraiment parce qu'il lui reproche de ne pas s'ouvrir alors qu'il fait de même, gardant pour lui tout ce qu'il se passe dans sa tête. J'y ai pensé, oui. J'ai pensé à toutes les éventualités, toutes les finalités possible avant d'accepter d'accompagner Minki dans ce voyage. Mais ce n'est qu'une semaine et on sait se débrouiller. On sait se battre tous les deux. Différemment, certes, mais vous le savez et c'est déjà mieux que rien. Je vais faire attention Leith, je te le promets.

Son excuse le calme un instant, il se sent terriblement mal d'être un sale gosse embêtant à râler. Il déglutit, se mordillant la lèvre. Il l'écoute silencieusement, ne pouvant s'empêcher de quand même maugréer. Frustré au plus haut point, il ne sait même plus comment agir. Face à tout un cartel vous allez pas faire long feu, que vous sachiez vous battre ou pas. Je... je sais que j'ai pas le droit de m'énerver sur toi alors que j'ai passé mon temps à te mentir, que moi aussi je me mettais en danger sans te le dire, mais... j'ai l'impression que toi et moi... à chaque fois on revient à la case départ, parce que justement j'ose jamais rien te dire, et que toi... ça te pousse à faire pareil. C'est tellement pesant...

Il l'écoute sagement, silencieusement, sachant très bien qu'ils sont tous les deux en tort dans cette histoire. Beaucoup de non-dits, trop de silences entre eux et depuis bien trop longtemps à ses yeux. Je sais tout ça, Leith... Il n'est pas idiot, il sait très bien qu'ils ne peuvent pas non plus espérer être supérieurs à un cartel. Un soupir au bord des lèvres, il le retient de peu avant de reprendre. J'imagine que l'on devrait avoir une discussion lors de mon retour... Histoire de tout remettre à plat et de ne plus rien se cacher, tu en penses quoi ? Parce qu'il veut que leur relation aille bien et qu'il ne veut pas le perdre, pas lui.

Il la sent, l'anxiété nichée au creux de son estomac, sa gorge qui se noue. Ce stress qui monte, il le ressent que trop bien. Ces derniers temps il s'était demandé s'ils étaient vraiment faits l'un pour l'autre, à se cacher des choses, à ne jamais vraiment avancer. En venir à douter de leur relation, ça lui fait mal, mais c'est inévitable. Tu imagines bien, oui. C'est dur pour moi de parler de ce que je ressens, mais si on veut continuer une relation saine tous les deux... il faut vraiment qu'on apprenne à s'ouvrir. Une relation tout court, qu'il aurait aimé dire, mais il se retient.

Si son visage ne reflète pas ses émotions, talent piqué à ses parents, son cœur se déchire à l'entente des mots que le blond prononce de l'autre côté du téléphone. Tu veux toujours être avec moi, hein ? La voix se veut forte, stable, mais tremblote tout de même sous la peur de le perdre. Car il ne s'en relèverait pas de cette séparation, il le sait très bien. Parce que si tu ne le veux pas... Je ne veux pas que tu te forces à rester avec moi. Viens lui dire que tu veux toujours qu'il soit dans ta vie, Leith... Viens prendre soin de ce cœur qui bat pour toi. Le regard se pose sur le sol, observe le faux plancher avant de remonter vers le mur face à lui.