#1 (chani) a new addition to the family

Le tablier jaune poussin noué dans le dos et les mains dans des moufles de cuisine, Chani met les muffins au four puis commence à nettoyer la petite cuisinette. Romy n’est pas là ce soir, comme prévu, et la venue de Leith avance à grands pas. Il n’y aura qu’eux deux dans l’appartement quand, enfin, elle lui avouera la vérité. La cuisine, et maintenant le nettoyage, la garde occupée, empêche la nervosité de l’atteindre un peu trop, mais les mêmes inquiétudes tournent en boucle dans son esprit. Comment va-t-elle le lui avouer ?
Un an à New York, à glaner des informations par-ci par-là, à apprendre à connaître Leith en tant que simple amie, tout ça pour être au même point de départ, incapable de savoir comment annoncer la chose. Des inquiétudes médiocres à côté de la suite, de la réaction de Leith face à ces révélations, qu’elle ne peut qu’imaginer à cet instant. Et s’il prenait mal qu’elle lui ait caché ça pendant des mois, ou pire encore, qu’il refusait de la revoir. Une option restée en travers de sa gorge tout ce temps durant, en constant affrontement avec l’espoir de se trouver une fratrie attentive, une famille aimante… sans doutes équivoques. C'est sans doute pour ça qu'il lui aura fallu entamer une deuxième année à New York avant de trouver le courage de le lui annoncer. Continuer de s'accrocher à cette lueur d'espoir, qui n'aura pas encore pu être éteinte d'un revers de la main, pas tant qu'elle se tait.

La brunette déglutit en lisant le sms de Leith, arrivé devant son immeuble. Impossible de reculer à présent. Elle sort les muffins du four, puis déverrouille sa porte avant de retourner dans la cuisine. D'une main quelque peu tremblante, elle étale les douilles sur le comptoir et commence à décorer soigneusement les cupcakes, fuyant presque la conversation devant avoir lieu d'une seconde à l'autre. La présence de Leith se fait sentir, bien qu'elle ne dise rien, faisant mine d'être absorbée par la décoration de ses pâtisseries. Puis, il prend la parole, et son regard se dirige imperceptiblement vers la bougie, plus qu'un fin tas de cire, usée pour un sortilège, pour l'aider dans cette conversation, qu'elle s'imagine, sera difficile. Chani se tourne vers le brun, l'éternel sourire aux lèvres. Evidemment, tu mérites bien un petit dessert après t'être battu. La douille de meringue gardée en main, ses doigts tapotent craintivement le corps de l'ustensile en voyant l'expression de Leith changer, sachant ce qu'il va dire avant même que les mots ne quittent ses lèvres. Il veut savoir ce qu'elle tient à lui dire, bien qu'elle s'en doutait, son cœur loupe quand même un battement. Elle hoche doucement la tête et pose la douille sur le comptoir, glissant instinctivement sa main dans sa poche, où elle touche son sigil du bout des doigts. Rassurée, elle s'assoit sur l'une des chaises. Il vaudrait mieux que tu t'assois... Chani se mordille la lèvre un instant, cherche ses mots, loin de ses habitudes, avant de reprendre la parole. Si... Si j'suis venue faire la suite de mes études à New York, c'est pour prendre contact avec mes demi-frères. J'ai appris leur existence en faisant des recherches sur mon père biologique, et... je voulais les rencontrer. Elle hésite un peu, avant d'ajouter : Jaehyun Kang, c'est... ton père, à toi et Ace, non ?

(c) TORTIPOUSS.

Chani se mord la lèvre devant la précision que Leith lui apporte, précision qu’elle connait et pourtant elle a commis une maladresse dans ses explications. Son père biologique était mort dans un accident de voiture, elle n’était même pas encore née à ce moment… Dans l’incapacité de le rencontrer, sa curiosité s’est naturellement tournée vers ceux partageant son sang, dans l’espoir d’y trouver une famille où elle a une place sans doute.
Il ne comprend pas son annonce détournée Leith, à l’anxiété contagieuse, déboussolé visiblement. Franche, concise, ce n’est pas son genre de tourner autour du pot, il l’a sûrement remarqué, ce changement dans son attitude. Le déni, le choc, qui a bien besoin de son attitude habituelle pour dissiper tous les doutes. Alors, entre des respirations profondes, elle croise son regard et admet finalement la vérité sans détour aucun. C’est lui mon père biologique. Si je suis venue à New York, c’était pour te rencontrer, toi et Ace. Ses doigts tapotent nerveusement le bois de la petite table, la peur d’être incomprise enserrant sa myocarde, en proie aux regrets. Désolée de pas te l’avoir dit avant, j’avais peur que… Je ne savais pas comment te le dire. Incapable de prononcer la réelle raison, de mettre sa phobie à vif, dévoiler le manque d’amour familial qui l’a persuadée qu’elle n’en aurait jamais. Ses iris humides effleurent ses mains, sans oser observer la réaction de Leith, trop effrayée par ce qu’elle pourrait y trouver.

(c) TORTIPOUSS.

Les mots quittent finalement sa gorge, la poitrine loin d’être allégée de ce départ. Comme un.e condamné.e en attente de son châtiment, ael patiente en silence, laisse les secondes s’écouler. Cette scène rejouée tant de fois, les pires réactions imaginées. Mis.e à nu.e, rarement dévoilé.e entièrement, laissant les lésions visibles, les carences d’affection, la terreur du rejet. Les épaules tremblotent au fil des secondes, peur de le voir balayer son existence de sa vie, et ses yeux s’humidifient, au verge des larmes.

Et Leith se déplace, à ses côtés. Ael se mord l’intérieur de la joue, n’osant qu’à peine lui lancer un coup d’œil en biais, avant d’être soudain attiré.e dans son étreinte. L’incompréhension peint ses traits, incapable d’immédiatement comprendre l’affection de ce geste et la signification portée. Puis, il reprend la parole, d’un ton semi blagueur, et un demi rire lui échappe, à mi-chemin avec le sanglot tandis que quelques perles d’eau longent ses joues. Sa poitrine monte, descend à un rythme effréné, ael peine à trouver sa voix, tremblant.e sous les sanglots et la risette accrochée au visage malgré ael. J’te l’avais bien dit, idiot. Ael renifle un moment, accroché.e au t-shirt de Leith, à profiter de cette affection fraternelle qu’ael n’a jamais eu, et tente de calmer ses esprits, pour être capable de lui répondre. Mais ael le sait déjà, peu d’informations supplémentaires possède-t-ael, ayant déjà quasiment tout dit. J’en sais peu… Mes parents ne m’ont pas vraiment donné de détails. Je savais pour l’accident mais… c’est à peu près tout. J’imagine que c’était une histoire d’un soir, quelque chose comme ça. Ael détourne le regard, conscient.e de la sensibilité que ce sujet doit avoir pour lui. L’intérieur de la joue mordu, ael hésite, incertain.e de la bonne chose à dire, ou plutôt, si ael est légitime pour la dire. Pardon… Que tu l’apprennes comme ça.

(c) TORTIPOUSS.

La joie et la tristesse transpercent son cœur, émotions paradoxales, incontrôlées. Ael tente tant bien que mal de se calmer, de faire cesser ses tremblements et ses larmes. Le bonheur devrait régner en maître incontesté, et pourtant, le voilà engager dans une lutte contre ses vieux démons, ses doutes et ses peurs.
Chani se raccroche à la présence rassurante de Leith, à l'espoir d'une relation fraternelle épanouie, si longtemps rêvée. Au fond, cette euphorie amère, ael en connaît pertinemment les raisons: combien de fois s'est-ael senti.e réellement heureux.se en présence de quelqu'un après tout ? Ca semble irréel, une chimère sur le point de disparaître.

La main dans son dos en point d'ancrage, ses pleurs s'estompent peu à peu, jusqu'à ce qu'ael parvienne finalement à reprendre la parole. Et sa méconnaissance des conditions de ses origines lia frappe de plein fouet. Incapable d'en apprendre davantage à Leith, ael baisse timidement les yeux. J'avais surtout... peur, que tu ne veuilles plus me voir. Demi-aveu, conflit entre le désir d'honnêteté et celui d'être aimé.e, incapable donc d'admettre l'aspect bien moins valorisant de cette décision.
Son regard s'illumine, d'espoirs et de craintes, à la mention d'Ace, son autre demi-frère, celui qu'ael n'a jamais rencontré. Ael ne peut que remarquer la nervosité qui semble prendre possession de Leith. Est-ce l'idée de devoir expliquer ça à Ace ou cette situation dans laquelle ils sont ? Déterminé.e malgré tout, ael pose une main sur son épaule. Tu veux que je sois là quand tu lui dis ? J'y comprend pas plus de choses que toi, mais à deux ce sera plus facile d'avancer, non ?

(c) TORTIPOUSS.

Leith lia ramène des années en arrière, ce jour où ses parents lui ont avoué la vérité. Ael ne se reconnaît que trop bien dans sa réaction, ael ahssi avait vu son monde s'écrouler suite à cette révélation. Et à présent, il doit à son tour tout avouer à Ace, comme ael vient de le faire avec lui. Chani hésite, réfléchit à ce qui l'aurait rassuré•e ael, et ça lia frappe soudain. Dans son cas, personne ne savait pour ses demi-frères, ael n'avait donc pas eu d'autre choix que d'affronter cette situation seul•e. Mais Leith n'est pas seul lui, ael peut être là pour lui et le soutenir. Même si ce n'est que sa présence, cela l'aiderait sûrement, du moins... ael le croyait.

Une soudaine douche froide accompagne les paroles de Leith, dans un brutal retour à la réalité, lia rappelant sa place. Peu importe le temps depuis lequel ael rêve de cette réunion, à ses yeux, ael n'existait pas quelques minutes plus tôt. Ael n'a pas l'occasion d'ouvrir la bouche qu'il reprend la parole, justifiant son choix. Cherche-t-il à s'assurer qu'ael ne vienne surtout pas... ? La douleur familière du rejet retrouvée, ael détourne les yeux, ubn sourire incontrôlé aux lèvres. Oui, j'avais pas pensé à ça aha... Est-ce qu'il vient de dire qu'Ace est mal en point ? Ael hésite à lui demander des précisions avant de se raviser. C'est vrai, ce ne sont pas ses affaires après tout.

Chani attape les muffins, l'estomac noué, et lui en propose. Il n'y a plus rien à dire à présent.

(c) TORTIPOUSS.