[NYCDARE] Vous avez quatre heures.

S’il y a bien une chose que Leith n’apprécie pas grandement, ce sont les enfants. Que ce soit un morveux de trois ans ou un adolescent de dix-sept ans, cette espèce à part l’irrite. Pourtant, c’en est un dans sa tête. Alors c’est sûrement pour ça qu’il inspire et expire pour l’énième fois, ajustant ses mèches blondes. Il s’est infiltré dans une école, a déclaré qu’il était le remplaçant d’un professeur absent sans grandes cérémonies et le voilà à se diriger vers la classe. Un cours de géographie. Il aurait préféré les mathématiques, son domaine de prédilection, mais ce serait ennuyant, pas vrai ? Sa mâchoire se serre instinctivement quand il entend le brouhaha étouffé émanant du local et avant d’entrer, il dégaine son téléphone, l’arme qui le mènera à la gloire (du moins, ce qu’il espère). L’enregistrement s’enclenche, il se munit d’un sourire amusé qui lui est habituel et… Yo les watchers. Ça filme c’te merde, hein ? Il vérifie une deuxième fois, oui, ça filme effectivement. Donc, j’disais… bonjour, déjà. Hm. J’m’appelle Leith Park et pour ce deuxième défi, je vais devoir me faire passer pour le remplaçant d’un prof absent. On m’a donné deux défis, j’dois placer les mots cheungstyle, parkstyle et raconter l’histoire de l’œuf d’autruche de mon premier dare. L’autre, c’est que euh… Il évite de penser à l’auteur, qui est Isaac et aborde une moue plus joueuse pour couvrir sa peine. J’vais leur faire passer un contrôle. Voilà. Il jette un coup d’œil vers la porte fermée et, tel l’impoli qu’il est, sans toquer, il entre brusquement. Sa marque de fabrique, c’est en faire des tonnes, à peine a-t-il le temps d’entamer un pas à l’intérieur qu’il décide de la jouer théâtrale. SORTEZ TOUS VOS COMPAS, C’EST UN INTEROGATOIRE SUPRIRSE ! Les rires s’évanouissent, le silence lui donne déjà envie de glousser. Pauvres petits, ils sont pâles. Toujours muni d’un mutisme, dans le seul but d’instaurer le suspens, il vient poser son postérieur sur le bureau. Puis, enfin, il lâche un ricanement moqueur. Nan j’déc, j’suis le remplaçant de votre prof de géo. Elle est enceinte apparemment. Un étudiant lève timidement la main et prend la parole, peu assuré. C’était un homme, notre prof. Oh. Il hausse les épaules, tente d’apparaître serein. Ça commence bien, se dit-il. Bah écoute, il s’est mangé le burger de trop, ça arrive. Bref. J’vais vous donner un cours très spécial, aujourd’hui, vous avez intérêt à bien m’écouter les morveux. Sans leur laisser de temps de répondre, parce qu’il repère déjà la lueur curieuse dans leurs iris, il se redresse et tend son téléphone à l’un des gamins. Filme ça, pose pas d’questions. Il s’éloigne, attrape la craie et se met à écrire sur le tableau, « l’œuf de l’autruche, chapitre 1 ». Derrière lui, les murmures incompréhensifs et les hilarités légères se multiplient derrière lui. Il se retourne et déjà fier de son coup, il déclare. J’vais vous expliquer ça en parkstyle hein, parce que bon le cheungstyle c’pas trop ça quoi… Toussotant, il prend une voix plus dramatique, digne de grands orateurs, le visage presque hautain ; un vrai comédien, le rebelle. Voyez-vous à une époque où j’étais jeune et frivole, je faisais des bêtises. Avec un ami, Gaby Cheung, nous étions connus comme les plus grands voleurs d’œufs d’autruches. J’étais surnommé Leith Weasleith et lui Gaby Potter, un grand homme, vraiment. Genre littéralement. Cette fois, notre attention s’est dirigée sur le zoo du Queens. Grâce à mon cerveau, j’ai préparé un plan de folie et mon ami s’est occupé… d’acheter les costumes, c’est déjà bien. La veille on avait fait un peu de repérage et c’est donc sans soucis qu’on a pu s’infiltrer dans l’enclos, nous étions des experts dans le domaine, après tout. Étant un maître dans l’art de la furtivité, j’ai pu m’approcher en douce de l’œuf. Gaby, lui, s’est occupé de distraire les autruches, il a un doctorat pour ces bestioles alors il les imite super bien. DU COUP, j’ai attrapé l’œuf, c’te merde a failli se péter sur le sol et, tels Bonnie & Clyde, on s’est échappés de là avec notre précieux butin. A l’heure d’aujourd’hui, l’œuf repose toujours sur mon étagère. J’ai hésité à en faire une omelette mais… Il se tourne vers son téléphone, faisant une moue boudeuse. D’après une certaine personne dont je tairai le nom, Nana Cheung, eh bien elle risque d’me tuer. Elle aussi, genre littéralement. Donc, voilà. L’œuf est tranquille chez moi. Voilà, c’tout. Encore un autre silence, cette fois dubitatif. Si certains s’échangent des coups d’œil, d’autres ont sorti leur mobile pour capturer ce moment exceptionnel. Soudain, Leith se redresse et de nouveau, il implose, incitant des élèves à sursauter sur leur chaise. Sortez vos feuilles, on va faire un contrôle sur ça. Donnez votre avis, vous avez quatre heures. Si votre avis est négatif, vous avez un zéro alors vous avez intérêt à me faire des éloges. Une autre voix s’élève. Mais on a qu’une heure de cours… Il fronce les sourcils, faussement sévère. Bah si t’as pas fini, tu continues pendant le cours suivant, j’m’en bats les coui- euh les reins. Dans un grommellement, ils se mettent à écrire, l’air concentré. Sincèrement, il est surpris, il s’attendait à ce qu’ils prennent ça à la rigolade, mais il repère des gamins qui se tuent à la tâche à écrire leur dissertation de leur vie. Discrètement, il récupère son téléphone et s’extirpe du local, fermant la porte derrière. Avouez, c’était le meilleur cours de la décennie. Ciao les watchers ! Fin de l’enregistrement. Il ricane un peu et au loin, des éclats de voix se font entendre, la sécurité se rue sur lui. Un « oh merde » s’échappe de ses lèvres et une course-poursuite s’ensuit, mais Leith est rapide, il aime le répéter ça, d’ailleurs. Le vigile semé, il a terminé le dare.