Question game — Gaby&Minki

Garder le contrôle, ne rien laisser paraître, ne pas s’énerver, faire attention au moindre geste.
Faire attention tout court, parce qu’avec les journalistes, qu’ils soient à la recherche ou non de la vérité, d’un scoop ou non, ils déformeront toujours les propos dites de base. Gaby a tellement l’habitude de ces journalistes. Il n’en a parlé à personne, à part Byul-Li et quelques personnes autour d’elle. Il a quelques éléments en tout cas, mais il n’a pas vraiment envie de les utiliser. Il espère juste que cela se passera bien. En tout cas, il est le premier arrivé, ce qui n’est pas étonnant avec sa jambe. Il a fini par se commander un verre pour lui-même, puis il s’est installé à une table, au coin, assez discrètement. Il attend tout simplement, préparant mentalement les réponses, il regarde son téléphone et met les écouteurs pour écouter un peu de musique. C’est la première fois depuis des années qu’il confronte un journaliste au sujet de sa famille, avant il a toujours été accompagné de quelqu’un, sauf quand il était seul sur la rue pour rentrer chez lui, il se faisait aborder par quelques uns dans l’espoir qu’il lâche un petit morceau. Un léger frisson de dégoût envahit Gaby qui garde toujours le regard rivé sur le téléphone avant de relever le regard quand il sent une silhouette s’approcher de lui. Il finit par se lever et retirer les écouteurs. « Mr.Hwang. » Une pause, il fait le jeu. « On se rencontre enfin. » dit-il en tendant la main pour la serrer, avec un petit sourire poli. Puis au final, il finit par s’asseoir après avec une légère grimace de douleur. Paraître légèrement faible, comme il a pu le montrer l’autre soir, où il s’est retrouvé en position de faiblesse qu’il ne pouvait pas faire semblant: il l’était réellement, face à la porte fermée de sa soeur. « Alors, ne passons pas par quatre chemins, on va commencer avec les questions ? » demande-t-il avec un léger sourire qui se veut être collaboratif.

Minki jubile et se délecte de tous ces moments passés à fouiner, tel le reporter qu’il a toujours voulu être. Ce genre de journaliste qui ne lâche pas la grappe : il le sait, qu’il y a anguille sous roche. L’affaire Cheung lui a semblé suspect et ce, dès la première lecture de ses recherches. Un mafieux qui, soudainement, est déclaré mort, suite au kidnapping de la jeune Nana. Forcément, quelque chose cloche. Non, tout a été trop rapide. Trop bref. Il manque des détails et ça le frustre ; et un Hwang curieux, ça ne donne jamais rien de bon. Est-ce Gaby, le grand-frère, qui a finalement pété les plombs et demandé à ce que l’on tue Pak Hei Son ? Cette question se prélasse dans un coin de sa tête, c’est tout à fait plausible : ça expliquerait le silence de la police. Emporté par ces interrogations persistantes, il n’a pas vu le temps passer et a décidé de s’attaquer au fils aîné. La conversation lui a semblé facile, mais… il n’a pas pu s’empêcher de repérer les barrières qu’a dressé le hong-kongais (quoi de plus normal !). Au moins, il a pu obtenir une interview avec lui et bien entendu, il s’apprête à décortiquer chaque expression faciale. Armé de son cahier déjà bien rempli, il se dirige vers le bar où ils se sont donnés rendez-vous et muni de son visage continuellement fermé, ses pupilles cherchent activement la silhouette de Cheung. Attablé au loin, les écouteurs dans les oreilles, qu’il retire vite heureusement, il l’observe se relever. La main tendue, il attrape la sienne. Mr. Cheung, qu’il répond d’un ton sérieux. Si le plus jeune esquisse un sourire, il n’en est rien de Minki qui reste armé de son faciès sévère. « Enfin » ? Oh, donc il attendait grandement cette rencontre… ou alors c’est emprunt d’ironie. Il était temps, effectivement. Il se place au bout de la table, déposant son petit matériel sur le meuble, ne remarquant pas que l’homme galère légèrement pour se rasseoir. A peine a-t-il le temps d’entrouvrir ses lèvres que Cheung lance la première « offense ». Intéressant. Il espère que le petit (grand, plutôt) remarquera son air amusé, parce que, oui, Minki l’est totalement et ce, pour une raison qu’il ne comprend pas encore. Il attrape son stylo entre ses doigts, qu’il fait doucement tournoyer, avant de rétorquer d’une voix posée. Bien sûr, ne perdons pas de temps. Il se met à chercher parmi son cahier, en réalité il sait exactement où tout se trouve, mais par envie d’instaurer une certaine supériorité et dominance (« c'est moi qui gère l'interview et pas toi » dans un sens), il ne le fait pas trop hâtivement. Enfin, il se saisit de sa liste de questions et redresse ses iris sombres dans les siennes. Pour la première question, je me suis dit qu’il valait mieux remonter dans le passé. Ça nous permettrait à tous les deux de mieux visualiser où est-ce qu’on se dirige pour la suite, n’est-ce pas ? Une pause de quelques millisecondes, avant qu’il ne reprenne presque froidement, sa marque de fabrique. Donc, je me demandais… il se trouve que j’ai pu remonter à votre scolarité et, qu’à travers quelques coups de fils, j’ai appris que vous étiez dans la même classe que le neveu de Pak Hei Son. Je dois l’admettre que ça a titillé ma curiosité et je me suis alors penché sur ça et… j’ai découvert qu’il était mystérieusement mort. Est-ce que vous pouvez m’en dire plus ? Parfaitement au courant que l’interview débute par une question un peu trop franche, il n’a qu’une hâte : en découvrir plus et vite.

Ne pas tourner autour du pot, c’est une stratégie que Gaby a appris au fil des interviews qu’il a pu avoir avec les journalistes. Ils peuvent récupérer des informations qui sont données en dehors des questions pour ensuite le détourner à leur manière. Il remarque le petit air amusé, de ce sérieux journaliste, que le Hong-Kongais finit par l’être tout autant. Il calque sa réaction à la sienne, tout en ne détournant pas du regard, les mains bien jointes entre elles après avoir manipulé son téléphone pour le verrouiller et le mettre à côté de lui, sur la table. Il l’observe attentivement prendre le cahier, prendre son temps. Gaby lâche un léger soupir ennuyé, comme étant un petit message pour lui faire sous entendre que cela ne marchera pas avec lui. Il faut qu’il garde le contrôle de lui-même, qu’il ne pète pas un câble, c’est comme d’habitude… Sauf qu’il est tout seul face à cette personne. Il ne faut pas qu’il se montre faible. Il a envie de boire son verre, mais il ne doit pas le faire, sinon c’est perçu comme signe de faiblesse de suite. Il ne doit pas regarder le verre, il ne doit surtout pas détourner du regard de Minki Hwang. Il ne doit pas se tirer les doigts, il doit rester immobile, tel qu’on lui a appris tout du long. Gaby attend la première question avec patience.

La première question sur son passé.

Il s’y attendait. Il a également eu des appels de son ancienne université pour le prévenir que quelqu’un cherchait des informations le concernant. Forcément que Hwang a dû chercher à savoir le lien entre les Pak et les Cheung. « J’ai été effectivement dans la même classe que lui, mais j’ignorai que c’était son neveu à l’époque. Vous savez, à Hong-Kong, il n’y a pas qu’un seul Pak tout comme il n’y a pas un seul Cheung qui n’est pas forcément lié à ma famille. » explique-t-il après avoir réfléchi pendant quelques secondes à la réponse qu’il devait donner à ce journaliste qui semble se faire des films. Il voit très bien où est-ce qu’il veut en venir en plus. « Si vous étiez allé plus loin dans vos recherches, vous auriez découvert dans les rapports de police qu’il était décédé dû à une histoire de drogue entre mafias, il a été assassiné par des membres ennemis. » Gaby hausse les épaules avec un petit air un peu embêté pour Minki. « Après tout, je peux comprendre, les rapports sont en chinois et c’est difficile de traduire, si vous voulez, je peux vous les transmettre dans la langue anglaise. » Il le titille, il le provoque un peu avec son insolence, mais Hwang ne va pas s’énerver pourtant ? Parce que Gaby lui propose son aide, de façon gentille, il collabore avec lui. Comme étant désireux de chercher la vérité.

Minki le sent, cette interview est différente des autres. Ses iris acérées se parsèment sur la silhouette robuste du hong-kongais, à la recherche de n'importe quelle faille. Tel un requin prêt à mordre à la moindre goutte de sang se déversant sur leur terrain de jeu, il analyse chaque micro-expression. Sa posture droite, son regard est vissé dans le sien, il paraît immobile au possible : il lui donne même une impression d’armoire à glace. Difficile à cerner, est-ce fait exprès ? La pensée se désarticule dans son esprit, il la laisse de côté pour se concentrer sur ses mots qui fusent. Les paroles s’ensuivent, il note les détails sur son cahier, ne détachant ses pupilles qu’à de rares instants. Il ne faudrait pas perdre une miette de sa gestuelle, n’est-ce pas ? Il le sait, que c’est insistant, dérangeant… oppressant… il ne compte pas non plus le mettre mal à l’aise, car il n’a pas envie de mal comprendre ses réactions, qui pourraient être faussées par la gêne. Tout est une question de juste milieu. Gaby parle et… décide de le piquer. Un fin sourire agacé plane sur le faciès sévère de Minki, il est irrité. Est-ce ce que ce gamin est réellement en train de le provoquer, là tout de suite ? Ah, oui, très clairement. Il reprend vite son apparence froide, haussant légèrement un sourcil. Oh, vous ignoriez qu’il était votre camarade, donc. Hmm… Est-ce là des doutes ou une réelle réflexion ? Peut-être les deux. Je vois, je comprends mieux. Cependant, même si votre aide me paraît plus qu’appréciable, je demanderai à un ami de me traduire ces dossiers. Merci quand même. Paranoïaque ? Certainement. Il jette un rapide coup d’œil vers son cahier, se redressant. Il pourrait insister, titiller la petite bête pour en découvrir plus, mais il n’en a pas envie. Autant bouger à la prochaine question. Après tout, ils n’ont pas énormément de temps. Passons à la prochaine question. Un ton autoritaire, qui le colle à la peau. Il me semble que l’affaire est close. De mon point de vue, je trouve que ça s’est terminé rapidement… peut-être un peu trop, mais là, c’est un avis subjectif qui n’est que le mien. Comme tout à l’heure, il marque un court temps de pause, afin de le faire languir. Voilà ma question : est-ce normal d’avoir laissé Pak Hei Son en « liberté » à Hong-Kong ? Est-ce un choix de votre famille de ne pas inciter votre sœur à témoigner durant un procès dans votre pays natal ?

Il ignorait que ce Pak était un neveu de ce kidnappeur, oui, c’est bien ce que Gaby essaye de sous-entendre à Minki. Ce journaliste pensait clairement qu’il allait lui dire rien que la vérité, toute la vérité ? Il s’est cru être un avocat, dans une cours de justice ? Absolument pas. Gaby hoche la tête à Minki dans tous les cas. « Oui, j’ignorai qu’il avait un lien avec le… kidnappeur. » dit-il avec un petit malaise, ce qui est un geste plutôt compréhensible vis à vis de la situation qu’il vient de vivre. Puis bon, Hwang rejette gentiment son aide. Dommage pense Gaby, parce qu’il vient de dire non à l’occasion de le connaître davantage. En tout cas, il note tranquillement dans le coin de la tête, tout en fixant le journaliste, qu’il lui enverra les dossiers en mandarin. La question suivante. Il arque un sourcil, signe qu’il ne voit pas de quoi Minki est en train de parler. Est-ce qu’il est en train de parler de sa mort ? Deux questions d’un coup, Gaby plisse les yeux, un peu étonné. Est-ce que c’est calculé de la part du Hong-Kongais ? Peut-être oui, peut-être non. « Qu’est-ce que vous voulez dire par là, en liberté ? Il est décédé lors de son transfert entre New-York et Hong-Kong… Tué par son ancienne mafia pour avoir enfreint les règles qu’ils ont imposé à Pak Hei Son. Il n’y avait aucun intérêt à ce que ma soeur témoigne à ce procès qui n’allait pas avoir lieu au vu de la situation.» explique-t-il un peu perdu, mais pourtant, il garde son calme et essaye de contrôler ses gestes, il a juste la surprise et l’air perdu qu’il contrôle un peu moins. « Sa mort est le schéma que les autorités internationales ont mis dans leur rapport. À moins que vous en saviez plus ? »

Gaby le confirme, il ignorait que le neveu avait un lien avec le kidnappeur. Minki note la légère hésitation, sans vraiment s’attarder dessus. L’offre refusée, bien qu’alléchante, il ne peut pas se permettre d’obtenir de l’aide de la part de la personne sur qui il enquête. Qui sait, s’il tente de l’entuber en modifiant des passages ? Après tout, même s’il s’agit de là d’une simple théorie, il se pourrait que Cheung soit l’assassin de Pak. Hors de question de prendre des risques. De la paranoïa, un trait qui le correspond si bien en ces temps durs. Puis, il enchaîne. Une autre question, elle vise cette fois la famille. S’il sait effectivement que le coupable a été tué, cependant il use le terme « en liberté ». De ce fait, il espère alors que ça forcera Gaby à donner des informations. Parfois, interroger vaguement permet de recueillir des réponses plus détaillées… comme ce qu’est en train d’entreprendre Cheung. Un léger sourire en coin fleurit les lèvres de Minki, il l’écoute, sans jamais l’interrompre, parfaitement au courant de ces informations. Pourquoi est-il si perdu ? Son stylo entre ses doigts, il ne note rien, étant donné que ça l’est déjà dans son cahier ; peut-être que ça éveillera la curiosité de l’homme en face de lui. A vrai dire, c’est effectivement ce qu’on m’a dit, oui. Je n’en sais pas plus, étant donné que la police ne m’en a pas laissé l’occasion. Si j’ai usé le terme « en liberté », c’est parce qu’à la base, votre famille ne comptait pas procéder à un témoignage, n’est-ce pas ? Un court instant de pause, la tête légèrement penchée sur le côté, comme s’il l’analysait en profondeur. La moindre expression, la moindre phrase. Tout est ancré dans sa tête. Parce que si c’était le cas, vous seriez parti à Hong-Kong. Mais vous n’avez pas quitté le sol américain… je me trompe ?

Le sourire.
Il déteste les sourires silencieux, qui sont de mauvaises augures surtout venant des journalistes à la recherche d’une vérité pure et dure… Ou plutôt à la recherche d’une parcelle de faiblesse chez le Cheung, pour affirmer son hypothèse sans se soucier des détails de vérité. Il n’écrit pas non plus sa réponse, comme s’il l’attendait. Il n’aura pas fallu très longtemps pour Gaby de comprendre qu’il s’est fait avoir, qu’il est tombé directement dans son piège. Il doit garder le contrôle de ses émotions Gaby, mais à entendre ce journaliste, ça lui fait serrer la mâchoire, grincer les dents même… C’est la seule réaction qu’il n’a pas pu contrôler malheureusement, encore une fois. « Vous devez savoir ce que c’est de vivre un stress post-traumatique non ? » Après tout, le séjour à Hong-Kong de Hwang, il a dû être mémorable pour comprendre où est ce que Gaby veut en venir. « Ma soeur est plein dedans, elle est détruite après cette séquestration et ce kidnapping… Pour une deuxième fois. Imaginez ne serait-ce le SPT double… Ma soeur n’est pas capable de penser en être victime, elle est en plein déni. Comment voulez-vous qu’elle puisse faire un témoignage ? D’autant plus que si moi et elle, on se déplace à Hong-Kong, c’est laisser la porte ouverte à la mafia dont le kidnappeur faisait parti. On serait à nouveau les cibles. C’est pour ça que nous sommes restés à New-York. Le témoignage n’était pas nécessaire, tant que nous avions des photos des blessures de ma soeur, du lieu de séquestration, des traces écrites des menaces… Et même un témoignage écrit. » Il finit par se redresser, vraiment sérieux. Il n’aime pas qu’on insinue des choses comme ça, surtout pour des choses qu’il n’a absolument pas fait. Il ne comprend pas où est-ce que ce journaliste veut en venir. « Qu’est-ce que vous voulez insinuer à la fin ? Vous avez une hypothèse, je serai bien curieux de l’entendre, ça nous fera gagner du temps à nous deux si vous l’expliquez maintenant. » demande-t-il calmement

Le stylo entre ses doigts, qui ne déverse aucune encre, il est fier de son coup. La froideur de Minki, elle donne froid dans le dos. Lorsqu’il endosse son rôle de journaliste, il n’est pas rare qu’il mette son humanité sur le côté, qu’il dévoile sa vraie nature : celle d’un homme impitoyable, prêt à tout pour soutirer la moindre information. Il ne s’en est pas rendu compte, à vrai dire, rares sont les fois où il se dit qu’il dépasse certaines limites. Comme maintenant. Il se redresse un peu plus, ancre son regard interrogatif dans celui de Gaby. Ce dernier semble agacé. Parfait. La question le déstabilise brièvement. Son métier d’envoyé spécial lui a permis de vivre les horreurs de la guerre, mais en réalité il n’en a jamais été affecté. Oui. Mensonge, juste pour voir où il veut en venir. S’ensuit un discours, qu’il devine presque moralisateur. Empli de reproches indirectes, qui signifient tous : « vous avez été trop loin ». Minki toussote, faussement gêné. Je vois. Je n’ai pas vu les choses sous cet angle, je m’en excuse. Bon, au moins il en sait un peu plus sur l’état de sa sœur, se dit-il. L’interrogation suivante, cependant, est bien plus percutante. Directe, aussi. Désormais, le jeu devient moins subtil. Est-ce qu’il s’agit d’un jeu, même ? Non, plus vraiment. D’une moue réfléchie, il cherche ce qu’il pourrait dire. N’est-ce pas mieux de dire la vérité, au lieu de jouer les journalistes à la simple recherche de la vérité ? De nouveau, sa tête se penche faiblement sur le côté. Vous avez raison, j’ai une hypothèse. Il se tait un instant, fermant son cahier, déposant son stylo sur la table. Si j’insiste autant sur la mort de Pak Hei Son, c’est parce que je vous suspecte d’en être possiblement l’auteur. Après tout, il s’est attaqué à votre sœur à deux reprises, la première aurait été assez pour vous enrager, j’imagine. La deuxième… me fait dire que ça aura été celle de trop. Je me suis dit que vous l’avez fait tuer et, qu’en payant la police, vous les avez dépêchés à écourter l’enquête. A travers ces paroles, il n’y a que la vérité : c’est sa théorie, quelle soit farfelue ou pas, il ne peut s’empêcher de s’imaginer ça.

Un faux toux. 
Un faux sourire, un faux toux, le faux regard compatissant. Tout est si faux chez lui. Gaby repère enfin quel genre de personne Minki Hwang est. C’est bon, maintenant, il sait à qui il fait affaire. Maintenant, il ne lui reste une dernière question, pour qu’il sache de suite. Il a besoin de savoir Gaby. Il l’analyse de son regard, est-ce qu’il va tomber directement dans son piège ? On dirait bien, il a une hypothèse. Maintenant le masque tombe. Puis il écoute les mots de Hwang, encore et encore jusqu’à en entendre la fin. Au fur et à mesure, le sourire de Gaby s’élargit, il ne peut pas s’en empêcher parce qu’il trouve ça tellement ridicule. Et ça se voit à son expression au visage, qu’il trouve ce journaliste vraiment ridicule… Qu’il finit par rire. Il rigole face à ce journaliste. « Mais comment vous me surestimez ! » Il passe la main sur le visage avant de se reprendre, le sérieux avec le sourire aux lèvres. Tout de suite, il ne rigole plus maintenant. C’est fini la comédie, deux minutes c’est bon. « Vous êtes de loin un journaliste qui cherche la vérité. Vous avez vous-même votre propre vérité, que vous avez décidé de croire. Vous êtes décidé que quoique je dise, je serai toujours cette personne qui a tué Pak Hei Son. » Une pause, il prend son verre pour le boire, sans vraiment détourner du regard de ce journaliste. « Sauf que je ne suis pas ce genre de personne qui pourrait utiliser son influence pour faire tuer quelqu’un sous le silence. Je n’en ai pas assez pour ça si ce genre de pensée traverse mon esprit. Ce qui n’a pas été le cas, étant trop occupé à me remettre de ce kidnapping. » Minki ne se doute pas de quel genre de personne peut être Gaby sur le coup. Le téléphone vibre, un message de Nana que Gaby ne voit pas de suite, un message d’alerte même.

Pendant un instant, Minki en vient à se demander s’il a fait le bon choix en décidant de lui déclarer la vérité. Peut-être aurait-il dû la jouer plus fine et subtile, juste pour brouiller les pistes, afin de continuer à enquêter comme il se doit… mais ce n’est pas son genre, pas vrai ? Ce n’est pas le style de Minki. Non, si ses supérieurs ont décidé de le garder, malgré son précédent déboire, c’est parce qu’il entre dans le vif du sujet, il est brutal dans sa manière d’opérer. Il n’attend pas, soutire des informations et les transmet. C’est aussi simple que ça. Et visiblement, ça ne plaît pas à Gaby, qui… contre tout attente… esquisse un sourire. Il s’élargit, il se demande ce qui lui prend, puis un rire. Il s’est attendu à tout, sauf à cette réaction. Surpris, il écarquille faiblement les yeux, se redressant sur sa chaise. Enfin, il comprend. Cheung parle, s’élance encore dans des reproches, mais cette fois il est plus cash. La mâchoire de Minki se crispe légèrement, il le prend vraiment pour un journaliste en herbe ? Il l’écoute, silencieux, la haine se lisant dans ses pupilles. Il n’est même pas déconcentré par le téléphone qui vibre, tandis qu’il se tient droit comme un commandant militaire. Qui a dit que j’allais continuer à croire que vous êtes le meurtrier de Pak Hei Son ? Il laisse un temps de pause, ce n’était pas réellement une question, puisqu’il enchaîne. Si je suis venu ici vous poser des questions, c’est justement pour écarter cette hypothèse. Vous m’avez demandé ce que j’insinuais, je vous l’ai dit. Si vous le prenez mal, c’est pas ma faute. Visiblement offusqué, il le fusille du regard, perdant son masque de froideur extrême. Il n’y a que les journalistes en herbe qui restent positionnés sur leur avis, que je sache.