Sorry

les lueurs du matin qui réchauffent ce corps encore endormi. comme si le cauchemar allait s’arrêter lorsque ses onyx goûteront à la lumière de ce monde. plongée dans le noir depuis les derniers jours, à se perdre dans ce que préfère les démons. lorsque tout devient éternité ;; une éternité troublante et accablante. c’est lorsqu’elle senti la chaleur de la main de sa mère qu’elle comprit qu’elle n’était plus entre les griffes de celui qui venait de lui infliger cette douleur qu’elle ressentait jusqu’au plus profond de ses os. lorsque les larmes coulent sur le visage de ses parents, la gamine se sent dans l’obligation de retenir les siennes. du peu d’énergie qui lui reste, elle vient enlacer ses parents. les émotions se bousculent en elle. soulagement, tristesse et culpabilité.

entre deux assoupissements, elle senti le doux parfum de ses raviolis préférées. et puis il y avait cette voix qu’elle connaissait si bien qui vient la réveiller. nana ouvre un œil pour l’observer. « t’as pris mes préférés ? » la voix fébrile qui en disait tant sur l’état de la petite. elle vient renifler ce parfum bien gourmand. « ça m’a manqué. » les onyx concentrés sur cette petite boîte qui n’attendait plus qu’elle. « tu m’as manqué » qu’elle glisse discrètement en portant son attention ailleurs. en s’appuyant sur sa main pour se redresser, elle ressentait des tremblements. c’était comme si ce corps n’était plus sien. il était devenu bien trop fragile, bien trop fébrile. comme si elle n'était plus que coquille vide.
@gaby cheung

l’enfant garde la tête haute. elle se dit que de se montrer forte pourrait effacer l’inquiétude qui grandissait en chacun d’eux. que ce n’était rien – qu’elle se répète en boucle depuis que se sont fermés. depuis que ses yeux se sont ouverts. rien. et ce vide où ne résonne plus un son, ni même une vibration l’effraye plus qu’autre chose. et si tout se terminait en trou noir. si la vie allait se continuer dans ce même vide. « encore heureux » pour ne pas changer et rester cet enfant qui trempait dans tous ses caprices. celle qui fait de ses illusions sa réalité ;; nana. elle s’étire un peu avant de venir piocher dans le tas et lorsque ses manchettes remontaient dévoilant son épiderme marqué de ces traces de brûlures, d’un geste rapide elle vient les cacher en tirant sur sa veste. les ravioles au bout de ses baguettes, elle se précipite pour engloutir les mets. les mots de son frère viennent se cogner contre sa tête.
je suis vraiment désolé nana.
le myocarde s’échauffe et s’étouffe. ô qu’elle aurait préféré en rester aux dimsuns. « c’est rien. » et le mensonge vient teinter ses mots. mais se pourrait-il que le poison soit encore plus douloureux cacher derrière un triste mensonge ? « il s’est pas passé grand-chose. juste moi dans le noir. mains et pieds attachés. c’est tout. » ses ellipses sont bien trop grandes. n’importe qui pouvait voir qu’elle cachait bien des choses. elle repose doucement ses baguettes sur le côté et referme sa boîte car elle savait qu’elle n’allait pas être en capacité de les manger tranquillement. « je devrais plutôt te dire merci ? » et elle se retourne enfin vers lui pour voir ce visage dont la fatigue et l’inquiétude avait bien laissé ses marques. « ça a dû être tout aussi dur pour toi » et pour tous les autres aussi.

@gaby cheung

la légèreté de ses mots qui contrastent avec la réalité. le tout qui devient rien. et à ce moment-là, la gamine est perdue. elle a du mal à se rendre compte. que ces longs jours passées seule dans les abîmes à entendre cette même voix glaçante à lui murmurer que ses heures étaient comptées, qu’elle ne verra plus le jour. ce même rire qui résonnait dans cette pièce lorsque les coups lui étaient portés. ô qu’il restera gravé dans sa mémoire. et dans ce moment d’absence, son frère lui comptait ses aventures. et c’est lorsque son sourire s’efface qu’elle réalise que ça n’allait pas. et cela pour ces deux-là. nana ressent cette culpabilité en elle lorsqu’elle voit son frère se briser devant elle. elle aurait préféré ne pas le voir dans cet état, elle aurait préféré le voir lui et sa petite fierté de grand-frère venir la taquiner. la gamine se retrouve à se mordre la lèvre inférieur pour se contenir. non ne craque pas nana. l’orage gronde en elle ;; bien que tiraillée, la gamine ne souhaitait pas se montrer aussi fragile devant ses yeux. parce qu’elle savait que ça allait réveiller le desastre. « gaga » la voix enfantine d’une petite sœur appelant son grand frère. elle tend le bras vers lui pour le rapprocher d’elle. pour l’enlacer. un bras autour de son cou, l’autre tapotant doucement sur sa tête. ses yeux regardent le plafond en priant pour que ses larmes ne coulent pas. « de toute façon j’ai pas peur, je suis bien entourée » encore une fois, ses mots se teintent d’un vilain mensonge. cette fois, son corps la trahit parce qu’elle prise de tremblements. elle se maudissait d’être aussi faible. elle finit par lâcher son frère de son emprise et regarde son visage perdu dans la tristesse. « t’as finis de pleurer ? » elle se force à plaisanter, à le taquiner. alors qu’au fond de tout ce vide, il y avait cet enfant recroquevillée se noyant dans toute sa tristesse.

@gaby cheung

la gamine a ce don de se cacher derrière ses sarcasmes, ses plaisanteries parfois bien trop sérieuses. et cela même dans les pires moments. alors que la pluie ne s’arrête pas de tomber dans le cœur de l’aîné, la cadette ne se laisse pas conquérir par tous ces sentiments.

et pourtant,
elle n’a pas lâché une larme dans cette cave ;;
alors pourquoi venir les verser maintenant ?

elle feint, elle se cache derrière tous ces masques parce qu’elle voit à quel point la fragilité avait conquis son frère. et si elle se brisait aussi, alors il ne sera plus que poussière. une inspiration et la peur l’envahit, une expiration et elle s’en va. (( c’est beau d’y croire nana )) c’est beau de se voiler la face. la poupée fait mine de tousser et prend une tonalité de voix plus grave. « mais voyons gaga, tu as pourtant les pieds sur le sol ?! » une imitation vulgaire, mais une imitation qui marche plutôt bien. lui et son premier degré toujours main dans la main. et pourtant ce n’était pas si anodin ; elle tente de l’amener autre part. elle tente de le faire voir autre chose. que les yeux se ferment sur ce le cauchemar qu’ils venaient tous les deux de vivre et qu’ils s’ouvrent pour des jours meilleurs. enfin ça, elle l’espérait vraiment. « ils ont passé toute la matinée avec moi. j’ai cru que j’allais mourir étouffée dans les bras de papa. » elle tapote doucement ses petits bras comme si elle sentait encore l’étreinte de son père. le regard examine la boîte de raviolis maintenant froid et ses yeux divaguent à la recherche d’autre chose. une chose qui était bien trop important pour elle. sa vie, son sang. « et euh juste une question gaga. tu m’as pas pris de bubble tea ? » l’air scandalisé ;; comme si c’était plus grave que son enlèvement. mais ça c’était parce qu’elle était dans cet état de choc qui la rendait imperméable à tous ses sentiments.

@gaby cheung