(11.05.20) Voilà près d'une année que tu as commencé à travailler dans l'entreprise familiale, un anniversaire qui ravive les souvenirs douloureux qui y sont associés. Nouvelle vie débutée par la force des choses, un chemin improvisé dans la panique du moment et un destin auquel tu avais longtemps pensé pouvoir échapper avant qu'il ne vienne te cueillir avec aisance. Mais le revirement ne s'est pas avéré être aussi pénible que tu l'aurais cru, au contraire. Plus qu'un simple intérêt ((dans toutes les nuances du terme)), tu as su y trouver une certaine forme de bonheur et d'épanouissement. C'est donc de ta propre volonté que tu te retrouves à cette énième soirée d'affaires, prompte à représenter ta famille et placer quelques pions à leur service. Naviguant entre les invités, échangeant quelques mots de politesse avec les uns ou des ébauches de proposition avec les autres, tu es à ton aise et tu as conscience de marquer l'esprit de certains de tes interlocuteurs. Il n'y a en revanche qu'une seule personne qui parvient à marquer le tien, et elle le fait dès vos prunelles se croisent. Cela faisait bien des années que tu n'avais plus vu ce visage. S'il a quelque peu changé et pris en maturité, tu n'as aucun doute et serais prête à le reconnaître entre milles. Il a trop fait partie de ton passé pour que tu puisses l'oublier. La surprise se lit réciproquement sur son visage et l'un comme l'autre esquissez un léger sourire en parcourant les mètres qui vous séparent. Une première remarque qui dans sa bouche sonne dédaigneusement et étire un peu plus tes lèvres. « Et ce n'est pas du tout ton genre. Que se passe-t-il ? Tu as si changé que ça ou bien tu es simplement puni ? » A en juger par son attitude nonchalante et désinvolte, tu n'as aucun mal à deviner que ce n'est clairement pas la première proposition, ce qu'il te confirme d'ailleurs par la question qui suit. « Pour affaires, entre personnes qui se préoccupent un minimum des intérêts de leur entreprise. » Ce qui est donc censé l'exclure de l'équation. D'humeur généreuse, tu lui donnes quand même un petit tip en désignant discrètement du regard l'un des hommes d'affaires présents. « Monsieur Lee notamment, qui est près de la baie vitrée, cherche à investir plusieurs dizaines de millions sur les prochains mois. » Tu t'abstiens évidemment de mentionner les bien plus gros poissons qui peuplent la pièce.

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De toutes les personnes que tu ne t'attendais pas à recroiser un jour dans ta vie, Gang-Sheng était clairement l'un des premiers de ta liste, mais également un de ceux que tu ne souhaitais pas revoir. Trop de mauvais souvenirs lui sont associés, trop de disputes, trop d'angoisses et trop de fois ce sentiment que ta cage dorée serait scellée à tout jamais. Mais le destin en a voulu autrement, et sitôt l'ouverture entrebâillée tu t'étais précipitée au dehors sans prendre la peine de te retourner sur celui qui t'avait permis de t'échapper. Peut-être est-ce pour cela que vos chemins se recroisent, comme une facétie de la vie face à ce passé commun et surtout à cet avenir qui aurait pu être le votre. Tu l'approches sans hésiter, aussi sûre de toi que tu l'étais à l'époque, mais contrairement à tes anciennes habitudes tu ne ressens plus aucune colère envers lui. A vrai dire ton humeur est même assez légère et tu as très envie de le titiller pour marquer vos retrouvailles. L'air innocent sur le visage se fend d'un large sourire lorsqu'il te désigne l'un des hommes les plus importants de la réception, preuve qu'il ne se laisse pas berner par ces longs cils que tu bats en sa direction. Ça te satisfait pas mal quelque part, à te rappeler que de tous les défauts que tu avais pu lui reprocher autrefois, la bêtise n'en faisait pas partie. « Exactement. Figure-toi que je suis bel et bien entrée dans le moule de SK Group comme il était prévu. » Et jusqu'à tes dix-neuf ans, tu n'avais jamais envisagé de faire quoi que ce soit d'autre que d'intégrer l'empire familial. Et puis elle est décédée et tout a basculé. « Ce qui est encore plus drôle, c'est qu'au final cela ne fait qu'une année que j'y suis. Il y a deux ans encore, je pensais pouvoir voler de mes propres ailes et faire carrière dans un univers où ils n'auraient aucun pouvoir. » L'ambition éphémère de percer dans le monde de l'art, de faire partie de ces grands noms d'experts à qui l'on confie les plus belles oeuvres pour les estimer. « Mais le rêve a pris fin et je suis redescendue sur terre. Je peux même dire que je suis carrément tombée en enfer maintenant que tu es là. » Les yeux qui pétillent de malice, mais sans aucune animosité.

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Ça te fait rire de penser à Gaby comme ton ex futur-mari, une légèreté que tu n’avais pas à l’époque où vos fiançailles était le sujet le plus sensible de ton existence. En revanche ce qui n’a pas changé, c’est ton agacement chaque fois qu’il se permet une familiarité grossière avec toi. Tu lui lances un regard noir alors qu’il retire sa main du sommet de ton crâne, se vantant de sa réussite personnelle hors du carcan familial dont il a réussi à s’extirper. Tu lèves les yeux au ciel devant son petit numéro, pas spécialement envieuse de sa situation bien qu’elle soit semblable à celle à laquelle tu as un jour aspiré. Ta vie actuelle te convient comme elle est, ou presque, et tu t’es fait une raison sur tes ambitions jetées aux orties. Il y a bien des avantages à demeurer proche de ta famille, des avantages qui te seront un jour peut-être très utiles. Un sourire étrangement complice se dessine sur tes lèvres lorsqu’il évoque ensuite la possibilité d’animer un peu plus la soirée. Bien que tu restes méfiante de ce qui peut bien lui passer par la tête, le goût du jeu éveille une certaine excitation dans ton ventre. « Elles se ressemblent mais elles sont nécessaires. Je fais avec. Comme toi ce soir. » Ton sourire s’élargit un peu plus. « Qu’est-ce que tu proposes ? » Il sait que tu n’es pas la dernière à dire oui à ce genre de proposition, tant qu’elles ne te mettent pas dans l’embarras.

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