Ouvrant ses yeux bruns aux premières notes de son alarme de téléphone, Betty Blue Williams s’étira avec paresse avant de s’extirper de son lit à baldaquin trônant au milieu de son studio de Brooklyn. Elle avait fait un rêve, un rêve où elle chantait une chanson au milieu d’une grande scène. Vêtue d’une robe blanche aux multiples détails de dentelles, elle avait entonné la plus belle et la plus merveilleuse des chansons qui soit. Du moins… Voilà de quoi sa conscience se souvenait. Pourquoi avait-elle alors la sensation d’avoir pleuré ? Peu importait, elle devait vite se préparer si elle ne voulait pas être en retard pour la répétition.
Prenant un café, un bol de céréale et de son d’avoine, elle dégusta le tout devant la suite de sa série fétiche du moment : Les chroniques de Bridgerton. S’amusant de voir Daphnée refuser les avances de ce prince parfait en tout point pour vivre le grand amour aux cotés de son duc.
N’as-tu pas fait la même chose, Betty ? En refusant la demande en mariage de ton petit-copain de lycée pour fuir à Los Angeles et vivre ta passion ? Et elle ne le regrettait pas une seule seconde. La belle n’avait toujours compté que sur elle-même depuis son plus jeune âge. La petite fille du Wisconsin avait dû grandir trop vite, devenant la mère de substitution de ses cinq petits-frères jusqu’à ce qu’elle fuît l’Etat à sa majorité. Oui… Betty ne rêvait pas de mariages ou d’enfants, elle rêvait de scènes, de cinéma et surtout de Broadway. Après dix ans de travail acharné, elle avait finalement obtenu ce rôle pour lequel elle avait la sensation de s’être préparée toute sa vie.
Ce rêve, ce doux rêve de passer sa vie sur les planches des plus grandes scènes l’animait chaque jour, chaque heure et chaque seconde de son existence. Elle avait fait face à tant de choses dans son enfance et adolescence, elle s’était battue bec et ongle pour occuper la place qu’elle avait aujourd’hui.
Le chemin est encore long Betty Blue, tu ne dois pas te relâcher … Elle le savait et elle ferait face à l’adversité s’il le fallait pour épouser ses aspirations. Le moment était venu, palpable, immédiat, elle n’avait qu’à donner le meilleur d’elle-même pour que sa carrière de comédienne continue son ascension.
Arrivant au théâtre avec une bonne demi-heure d’avance, elle eut le temps de passer par le costumier qui ajusta la robe de Maria pour qu’elle épouse au mieux sa silhouette longiligne. Elle eut à peine le temps de retirer le vêtement qu’Adam Skywalker arrivait dans la salle de répétition, faisant comme à son habitude sa diva sans la moindre gêne. Soupirant, elle se rhabilla de son legging noir et de son pull gris pour marcher jusqu’aux abords de la scène et saluer son agacent partenaire. Se fixant en chien de faïence, les deux co-vedettes du show ne pouvait se soir voir qu’en peinture, manque de bol, ils étaient condamnés à passer la majeure partie de leur temps de travail ensemble.
Mais cela n’a pas toujours été ainsi, Betty. Puisqu’à une époque pas si lointaine, il te faisait vivre un rêve par procuration. C’est en l’admirant derrière ton écran de télévision et à travers les magasines que tu empruntais à la bibliothèque de Baron que tu as découvert Broadway. C’est lui qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui, que tu le veuilles ou non. Mais ça, Adam Skywalker l’ignorait et jamais elle ne ferait le plaisir à cet odieux personnage de le lui avouer.
Le metteur en scène annonça le début de la répétition et les deux comédiens prirent place sur scène pour entonner « To Night ». Le signal lancé, Betty rentra dans son personnage à l’instar de son partenaire. Elle n’était plus Betty Blue Williams mais Maria, cette petite portoricaine rêvant de liberté et d’amour. Tony vint à elle, l’appelant depuis le bas du balcon – ici, de l’estrade en cours de construction – elle lui sourit, Betty, attendrit de trouver cet homme en bas de sa fenêtre. Le dialogue, apprit sur le bout des doigts et joué de manière fluide, terminé, la chanson commença. Et alors qu’elle se rapprochait d’Adam, finissant peu à peu par se retrouver dans ses bras, Betty se laissait aller à cette expérience de premier amour vécu par Maria. Déposant une main sur la joue d’Adam, elle contemplait son visage, plantant son regard brulant dans ses yeux.
Es-tu sûre que Maria est la seule à ressentir tout ça ? Ou est-ce que toi aussi, Betty, tu tombes peu à peu pour ton partenaire ? Conneries. Et la scène se finissait sur les deux futurs amants se séparant au clair de lune, se languissant l’un de l’autre, guidés par le charme insouciant de cette idylle amoureuse.
Les musiciens jouèrent les dernières notes de musiques et la scène se conclut. Le réalisateur applaudit la performance et donna quelques indications aux deux comédiens pour améliorer leur jeu. Le reste de la troupe se dispersa bien vite et Adam quitta lui-même la scène alors que Betty y demeurait pour travaillait ses pas. Apercevant son agent du coin de l’œil, elle adressa un sourire à Franck qui l’attendait avec une bouteille d’eau et son éternel air paumé. Prenant l’objet entre ses mains et étanchant sa soif, la comédienne fut coupée dans son échange par une nouvelle venue au charisme indéniable. La brune se présenta alors sans plus de cérémonie et quand la blonde entendit qui elle représentait, elle crut d’abord que le sale con qui lui servait de co-vedette l’avait missionné pour lui faire des reproches.
Affichant un air fermé, bras croisés, elle la détaillait du regard en écoutant son élocution d’un air attentif mais méfiant. La brune lui adressa plusieurs compliments et lui posa une question à laquelle la belle répondit au tac au tac :
« C’est normal que vous ne me connaissiez pas si vous êtes habituée à gérer des… » Elle appuya sur le prochain mot, d’un air presque dédaigneux :
« Personnalités comme Adam Skywalker. » Elle la regarda de bas en haut, elle détestait ce genre d’attitude condescendante. Cela l’horripilait au plus haut point :
« Vous savez, le talent ne fait pas tout. Cela fait des années que je joue des seconds rôles ou des figurantes. Mais Broadway est un petit écosystème où il est difficile de se hisser au sommet de la chaîne alimentaire. Mais je ne vous apprends rien n’est-ce pas ? » Elle désigna Franck qui observait l’échange d’un air passablement perdu :
« Voici Franck Roger, mon agent. Certes, il n’est pas le plus efficace qui soit... » Elle adressa un sourire à ce dernier :
« Sans vouloir te vexer. » Elle reporta son attention sur la chasseuse de tête :
« Mais il m’a soutenu dès mes débuts. Alors je trouve extrêmement mal venue de votre part de venir me débaucher sur mon lieu de travail et face à mon agent. D’autant plus en voyant qui vous représentez. » Elle redonna la bouteille à Franck et lâcha avec un petit sourire :
« Merci, mais non merci. » S’en allant vers les coulisses pour continuer ses essayages. Pour qui cette Yuri Kim se prenait elle ? Qu’Adam et elle aillent se faire voir.
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@Yuri Kim