burry me alive (chani&mathias)

Les mots couchés sur le papier, Mathias lui-même n’y croyait pas : il aimait à se dire que la mort, c’était éphémère. Qu’à tout instant, Emma et la reine mère reviendrait : un sourire sur le visage, quelques rires dans les airs. Une bonne blague comme on les aime, un quiproquo qui ferait rire encore pendant des années. Mais le temps semblait long, dans ce costume noir, trop serré, trop strict. Marla, qui s’évertuait à te rendre présentable, pour les funérailles : tout le monde s’agitait et toi, tu regardais ton monde vaciller. Tu avais tout préparé : l’enterrement, les tombes, les remerciements. Tout pour que ça se passe bien, sans que tu n’aies besoin de faire grand-chose que d’observer : la mort, par tous les sens, dans ce cimetière de Brooklyn. Les mains croisées devant toi, le bracelet électronique camouflé sous du tissu, tu restes sauvage, à l’écart : de toutes façons, il n’y aurait pratiquement personne, comme lors de l’enterrement d’Emma : ta petite sœur, de 15 ans, morte depuis quelques mois maintenant. Ou peut-être semaine ? Le temps semblait long.

Marla, à tes côtés : la douce, la belle, la succube. Les quelques seules connaissances de la mère : on pouvait les compter sur une main. Et puis, finalement, peut-être Chani. Ta cousine, celle avec qui tu entretenait le genre de relation épistolaire où tout semblait plus facile, couché sur un papier. Tu l’as déjà dit ça, non ? Tu déglutis, difficilement : tu ne savais pas si elle viendrait. Et si tel était le cas, tu lui en serais certainement reconnaissant : sans les mots, sans les gestes. Avec des regards, probablement, comme tu sais le faire. Alors tu attends. Un peu.

Tant d’indifférence quant à ceux qui viendraient : Mathias, il savait les années qu’il avait subi, qu’il avait vécu. A lui donner à manger, 3 fois par jour ; à la laver, à la changer, à lui parler ; parfois, à lui chantonner quelques vieilles musiques pour apaiser les quelques douleurs fantômes. Le changement de l’équipement, les quelques deals pour payer les traitements, les obsèques de la sœur peu de temps avant. Et personne n’avait jamais répondu présent. Hypocrisie présente, à son summum : tout le monde dira qu’il a eu du courage ; mais personne n’a osé se mouiller. Alors l’expression neutre, les yeux scotché sur ce dernier lit, il peine à tenir debout, à ne pas flancher à cette idée incongrue qu’elle ne serait plus jamais dans son lit ; qu’il ne lui donnerait plus jamais à manger, ne lui lirait plus jamais le journal. L’idée même qu’il devrait faire sans elle devenant absurde. La respiration s’accélère, le monde continue de tourner. Et lui, statique. Jusqu’à être sorti de sa torpeur par une voix : inconnue. Et un visage, qu’il reconnait. Entre cent. Jamais mille. « Chani. » Pour s’assurer que la correspondante décline son identité avant tout. Par peur de rencontrer de nouvelles chimères. Il l’écoute. Secoue la tête négativement, fini par détourner le regard un instant et se perdre un peu. Avant de revenir à elle : la réalité des choses frappant à la porte de l’âme. « La mort est la seule chose qu’on ne contrôle pas vraiment. » Petit écho à la dernière lettre envoyée. Marla te regarde, silencieuse. Tu la sens. Et finalement. « Marla, c’est Chani, ma cousine. » Elle penche la tête, ne comprend pas. Mais s’écarte pour vous laisser parler. Tu la remercies du regard : pas besoin de milles maux. Alors tu désignes la place à tes côtés à ta destinataire. Relation épistolaire. « Je suis content que tu sois là. »

Quand le temps semble lui échapper, Mathias peine à trouver un semblant de sens à sa vie, à son existence : il cherche dans les vers, les poèmes, les rimes et les étoiles la force de comprendre. Comprendre l’inexplicable, l’inévitable : la petite explications qui l’aidera à voir plus clair lorsque les nuits sont trop sombres. Mais Mathias, il a beau essayer de comprendre la vie autant que la mort, le fil sur lequel il tangue face à la force du vent lui semble trop fin pour résister aux abîmes de l’enfer. Ce serait tellement plus simple de se laisser pousser dans le vide. A juste attendre l’impact, quelques pieds en-dessous. Alors quand il s’est paré de ce costume trop grand, de ces regards trop vides et de cette expression trop vide, il a pris son courage à deux mains : affronter une énième tempête, aux côtés de la merveilleuse, se demandant qui aurait l’hypocrisie de se ramener aux funérailles. Et puis, il y a eu les premières minutes, qui lui semblait des heures, et l’arrivée de Chani qui lui a tiré un léger sourire : presqu’une ombre. Quelques interrogations lyriques avant qu’elle ne se pose à côté de lui : il voyait bien qu’elle était aussi à l’aise que lui face aux relations humaines. Alors ça l’a rassuré un peu : les vides se combleraient par leurs gênes respectives et voilà. Il regarde devant lui, la sépulture. Ne parvient pas à comprendre, ni à entendre les paroles du prêtre. Mais il l’entend, elle, l’asiatique à ses côtés. Il hoche la tête, lentement, reconnaissant qu’elle se rende compte des choses. Et quelques secondes pour laisser le vide. « Comment se passe la vie à New-York ? » Il la savait d’ici et d’ailleurs.