GROUPE 2 - convocation du jeudi 11.

Une convocation officielle en lien avec l'association afin de s'assurer de la stabilité mentale et émotionnelle de ses membres. Il n'en fallait pas plus à Leslie pour qu'une boule de nervosité pèse en lui, d'autant plus alors que, ces derniers jours, il était en réelle chute libre. Trop d'alcool, trop de drogues, tout pour tenir un peu plus le choc face à tous les obstacles qui se présentaient sur sa route. Pour autant, depuis qu'il faisait partie des deux pôles d'associations désormais réunis en un général, son attitude sur place avait été irréprochable. Toujours à l'écoute de ces jeune mis à la rue et en détresse, toujours avenant lorsqu'il s'agissait de faire le soutien scolaire aux orphelins ou de préparer avec eux des activités, il s'appliquait à passer au moins quatre jours par semaine sur les lieux pour assurer ses rôles, en venant même à plus ou moins seconder Hanseol dans sa reprise de la présidence pour tout ce qui touchait anciennement à la Smiling Foundation. Le concerné était d'ailleurs dans son groupe, à l'instar de Seth. Et Leslie était là, assis sur sa chaise, bras croisés, secouant simplement la tête lorsque la dénommée Johanna demandait s'ils avaient des questions. Le fait qu'il ne fasse pas partie des fameux concernés qui nuisaient visiblement à l'association ôtait déjà un poids considérable de ses épaules même s'il puisait dans sa maigre énergie pour garder ce masque de tranquillité et ne rien laisser transparaître.

Une enquête interne. Tu détestais ça. Ton passif viscéral, ton passé tatoué sur ton derme, tu n'aimais pas parler de toi. De tes maux intérieurs, de tes pensées. T'aimais la spontanéité, pas les questions au dépourvu. Tu le sentais mal, très mal même. Tu savais que des mots peu reluisant avaient été dit à propos de certaines personnalités, et même si tu t'intéressais que peu aux ragots, tu allais obtempéré. Tu te contenterais de te présenter à l'entretien, ni plus, ni moins. Tu déposais ton fils à l'école, puis Elya dans le porte bébé d'Arié, et tu conduisais en direction de Manhattan. Habillée détente, tu te recoiffes en entrant dans la pièce, le bonjour sur les lèvres, un regard pour tous et tu t'assied sans faire de vague. Tes yeux se perdent sur les visages connus de la LGBTQ+. Mais c'est le regard de votre interlocutrice qui t'interpelles, et tu sens la tension émanant d'elle, et tu comprends tout de suite, qu'elle, elle va te faire chier. Tu te fais alors silence, en espérant que cet instinct soit trompeur. Vraiment.

Depuis janvier, Seth avait la sensation que le ciel lui tombait sur la tête. Et pourtant, il n'y avait qu'à l'association qu'il se sentait en sécurité, bien dans un cocon qui ne semblait que douceur pour cet homme égaré, qui gardait ses marques bien encré dans son boulot. Alors cette convocation, il ne savait pas trop comment l’interpréter, le laissant sceptique et méfiant, il était arrivé tout de même à l’heure de la convocation se disant qu’il n’aurait sans doute qu’à écouter, qu’il pourrait éviter de parler. Trop de chose à raconter, des choses qui avait créés des failles dans son âme, des moments plus doux qu’il n’arrivait pas à comprendre, de nouveaux sentiments qui l’envahissait sans qu’il sache ce qu’ils pouvaient représenter. Tourbillon de changement dans sa vie, un regard qui captivait ses jades autant qu’il pouvait le faire souffrir en ce moment. Au bord d’une agonie indescriptible, peut-être avait-il sa place dans cette convocation. Libérer son esprit de ce tourment qui l’enveloppait d’un voile dictant des actes qu’il ne pensait jamais avoir, tout ça à cause de lui. Son regard porté sur son portable, il regardait son planning de la semaine, cherchant une occupation avant que tout ceci commence. Il relevait son regard vers la dame, sans rien dire, il faisait un tour du petit comité autour de lui, bref regard passant d’une tête à une autre. Ses orbes se posant sur ce visage qu’il avait entrevue par deux fois, visage amer au cœur du sexologue qui sentait ses entrailles se déchirer sans comprendre ce sentiment qui l’envahissait.

le cœur est lourd à mesure que les pas le rapprochent du siège du collectif. les épreuves pour la rhc ont été nombreuses dernièrement. chacun de ses membres en avait souffert, et maintenant qu'il avait été érigé à sa tête, de multiples sentiments venaient l'envahir : l'empathie, les responsabilités, la sensation d'être incompétent,... plus encore maintenant que les collectifs avaient été réorganisés, retravaillés et rassemblés : c'était un pas dans l'inconnu avec le devoir de se montrer infaillible. mais il avait failli. les lèvres sont pincées, les pas sont lents, mais le soulagement le frappe par vagues lorsqu'il reconnaît le visage de Leslie dans l'assemblée ((davantage encore lorsqu'il réalise qu'ils appartiennent au même groupe)). une fois dans la salle, il pose sa main sur l'épaule de son partenaire quelques secondes ((peut-être par auto-réconfort)) avant de prendre place sur une chaise libre. et ainsi, il se mure dans son mutisme, espérant que la réunion soit écourtée au possible.

Nerveux, le bouclé, et pourtant la main de Hanseol sur son épaule lui filait un bref apaisement, ses yeux croisant les siens, lèvres s'étirant en un discret sourire compréhensif. Ils étaient tous dans le même bordel, là, et il y avait fort à parier qu'il n'était pas le seul à risquer quelque chose. Installé aux côtés du nouveau dirigeant de la CSF, il captait un instant le regard de Seth avant de reporter son attention sur la femme qui menait cette réunion. Elle n'aurait même pas eu besoin de dire qu'elle n'était que peu ravie d'être ici, l'évidence se lisant sans aucun mal sur son faciès. Bien sûr qu'il comprenait les enjeux, la nécessité de cet entretien, mais il n'en restait que peu à l'aise pour autant. Hochant la tête distraitement comme pour laisser entendre qu'il écoutait, tâchant de faire fi des prunelles lourdes de jugement de la concernée, il arquait un sourcil lorsque son doigt le désignait.

Commencer par lui ? Une profonde inspiration, les informations dans son crâne s'ordonnant pour répondre aux questions avec une neutralité nécessaire, il se lançait. « J'admets que les changements ne sont pas évident à appréhender, ce qui est arrivé il y a un mois nous a, je pense, tous pas mal secoués et on a dû agir dans l'urgence » commençait-il, ses intonations bien moins familières que lorsqu'il échangeait dans un cadre plus privé. « Pour ce qui est des membres qui sont l'objet de rumeurs... je suppose qu'on fait tous au mieux pour gérer ce qu'on peut vivre, chacun a une manière différente de le faire, certaines plus discutables que d'autres, mais c'est justement notre boulot de montrer que le collectif est toujours viable et que les membres restants sont aptes à répondre aux besoins des plus démunis. » Pas de belles paroles ou de fioritures, il ne faisait qu'exposer le fond de sa pensée avec un sérieux évident, son regard bien accroché à Johanna, comme pour la laisser voir la sincérité dans ses orbes. Distraitement il passait une main dans ses boucles, haussant les épaules. « Pour ma part, je me démène depuis plus d'un an déjà au sein de la SF et de la LGBTQ+, si j'avais pas eu les épaules pour porter un tel rôle j'aurais déjà lâché avant, ou du moins commis une erreur. Donc oui, je suis en capacité de gérer ces situations, tout comme ces critiques qui sont portées sur le collectif. » Il avait conscience de ses failles, Leslie, mais également de ses forces, et il n'en démordrait pas : il était un bon élément, à l'écoute et prêt à se plier en quatre pour bien encadrer ceux qui devaient l'être, personne ne pourrait lui enlever cette conviction.

Elle semblait déterminée. Elle voulait votre peau, ni plus ni moins. Nul doute qu'elle allait vous tirer les vers du nez, même si c'était douloureux. Comme si vous n'en aviez pas assez bavé, comme si ça ne vous avait déjà pas assez affecté tout ce barda. T'as le coeur lourd de voir ces associations pointés du doigt. L'altruisme transparaissait sur vos visages alors pourquoi un tel acharnement ? Son regard sur toi se faisait lourd, pesant. Elle désignait clairement quelque personnes de la tête, par le biais d'une désignation presque au doigt pointé, et tu lançais un regard compatissant envers Leslie, qui se faisait cuisiner comme s'il était fautif de la situation. ça te mettais en rogne, mais tu te contrôlais Blanche, assise sur ta chaise, murée dans un silence de plomb, lançant des regards de compassion à tes compatriotes.

L’écoute était sans nulle doute le meilleur atout que possédait le sexologue, écouter et conseiller les gens, il le faisait à longueur de journée. Prendre la parole était toutefois quelque chose de différent, loin d’être prêt à dévoiler sa vie aussi aisément et encore moins ses problèmes. S’il ne pouvait pas assurer, autant abandonner son boulot dans le cabinet où il bossait, balancer sa thèse à la poubelle et faire un changement de carrière ! Certes, une réflexion radicale dans la tête de l’homme qui écoutait ce long monologue que la dame leur sortait. Humectant ses lèvres pleines, croisant ses jambes et ses bras, il analysait leur intervenante. Cette façon de leur parler, comment pouvait-elle bien prendre en compte de leur état si elle n’avait même pas envie d’être là ? Savait-elle elle-même aider les plus démunies d’entre eux ? Continuant son analyse, il laissait ses orbes verdoyants se poser sur le bouclé. Sa voix grinçant à ses oreilles, alors qu’il n’avait rien fait de plus que passer du temps avec son colocataire. L’endroit n’était pas fait pour ses propres règlements de compte, mais le texan possédant ce sang chaud du Sud risquait de laisser sa langue se dénouer s’il ne posait pas son regard autre part. Ce fut le cas, ses jades revinrent vers la femme qui avait pointé l’homme du doigt. Un peu pathétique en y réfléchissant, pointer les personnes du doigt, ignorer leur prénom, c’était si impersonnel que Seth y voyait de plus en plus une vulgaire plaisanterie…